De quoi Poitiers est-il le discours ?
732, Charles Martel : hypertrophie1 d’un stéréotype extrémisant What is Poitiers the narrative of ?
732, Charles Martel : hypertrophy of an extremist stereotype

Fred Hailon 

https://doi.org/10.25965/dire.852

Le toponyme Poitiers apparaît régulièrement dans l’actualité médiatique et politique. Il apparait dans des contextes particuliers à propos d’événements qui mettent en scène une stéréotypie doxique tronquée : Poitiers n’est pas le lieu de la Bataille de Poitiers. Les stéréotypes de dépréciation ou de discrétion rencontrés dans le corpus de commentaires internautes se réalisent entre jugement négatif et esquive des positionnements identitaires. Ces positionnements permettent une mise en écho idéologique de participation ou de distance par rapport au discours social ambiant.
A travers l’évocation du stéréotype-pivot Poitiers, se réalise une mise en scène de l’ordre identitaire établi. L’altérité y est le plus souvent visée à des fins discriminatoires. Le toponyme devient la caution symbolique de discours idéologiques toujours en train de se faire stéréotype.

The place name Poitiers appears regularly in the media and in political current events. It appears in special contexts about events which stage a doxical truncated stereotypy—Poitiers is not the battlefield of the Battle of Poitiers. The stereotypes of depreciation or discretion found in the corpus of Internet users’ comments either take the form of negative value judgments or avoid taking an identity position. These positions allow an ideological echo of participation or distance in relation to the social discourse.
Through the evocation of Poitiers as a pivotal stereotype, a staging of the established identity order is carried out. Otherness is most often targeted for discriminatory purposes. The place name becomes the symbolic pledge of ideological narratives always in the process of being stereotyped.

Sommaire
Texte intégral

L’émergence du toponyme Poitiers apparait dans la presse hexagonale dans des contextes particuliers. Poitiers est la figure à partir de laquelle se construit un point de vue mémoriel spécifique, le toponyme servant de caution identitaire (Blanc et Naudin, 2015). Celui-ci permet un discours axiologiquement réitérable, sans justification. Il fonctionnerait comme stéréotypie doxique. En tant qu’argumentaire idéologique, le toponyme Poitiers donnerait des lignes directrices de significations (Orlandi, 2011, p. 37) et fixerait les sens politiques.

Dans notre étude, la stéréotypie est associée aux idées figées, de l’autre ou de soi-même, sans pour autant que celles-ci ne soient vérifiées ni dans leur véracité, ni dans leur généralité (Amossy et Herschberg-Pierrot, 1997, p. 28). La doxa est définie comme l’ensemble des opinions communes qu’ils s’agissent de croyances, d’évidences partagées ou de préjugés à visée idéologique (Guibert, 2007, p. 122-123, Sarfati, 2011). Les stéréotypies doxiques permettent de structurer communément l’univers de compréhension, devenant mémoire collective constituée. Elles permettent la socialité des sens, dans une mise en communauté des discours qui fait sens commun (Hailon, 2014a).

Aussi, nous souhaitons observer les formes d’émergence du discours sur Poitiers et étudier la circulation du sens doxique à travers les évocations de Poitiers, et plus spécifiquement de Charles Martel et 732. Si l’on parle de Poitiers dans les discours identitaires extrémistes, il faut aussi remarquer que l’on parle du discours extrémiste en évoquant Poitiers. Celui-ci se perpétue ainsi. Il faut noter les agencements, convergences des sens quand le discours sur Poitiers se fait discours de Poitiers. Le « discours sur » réduit, borne, discipline la mémoire. Le discours plurivoque devient discours univoque, réduit au même sémantisme.

Note de bas de page 2 :

 Le corpus est politiquement et idéologiquement hétérogène. Il va de la droite conservatrice extrémiste avec Valeurs actuelles au centre gauche avec Le Monde et Le Huffington post, il passe par la droite républicaine avec Le Figaro et Le Parisien.

Note de bas de page 3 :

 Génération identitaire est la branche « jeunesse » de Bloc identitaire, fondée en 2003. Bloc identitaire est un mouvement politique classé à l’extrême droite de l’échiquier politique français, et qui a comme cible idéologique le multiculturalisme. Génération identitaire s’est fait connaître en déployant une banderole éponyme sur le toit de la mosquée de Poitiers alors encore en chantier. A ce propos, nous pouvons noter en écho le discours de Renaud Camus, fondateur du parti In-nocence, et théoricien du « Grand remplacement », à la Convention identitaire, le 7 novembre 2012 à Orange : « C’est Poitiers qui m’a conduit ici » ; « Le parti de l’In-nocence et moi nous sommes pleins d’admiration pour l’action menée le 20 octobre dernier par le groupe de jeunes gens de Génération Identitaire qui, quelques heures durant, ont occupé le toit du chantier de la future grande mosquée de Poitiers. Nous sommes plein d’admiration pour leur courage, bien sûr, pour leur patriotisme, pour leur attachement à notre civilisation, pour leur refus de la voir submergée par d’autres qui ne la valent pas, en tout cas pas pour nous, pas ici, pas sur le territoire de notre patrie ». L’interdiscours se réalise ici à partir de l’idée d’une colonisation inversée : on/ils nous colonise(nt). Les musulmans/l’autre culturel nous envahissent.Ils nous peuplent. Nous (Français, chrétiens, occidentaux) devons nous en défendre. Le rapport identitaire eux/nous actualise le conflit de civilisation.

Note de bas de page 4 :

 La circulaire éditée par le Rectorat de Poitiers met en avant des « indicateurs de radicalisation » entre « signes extérieurs individuels » et « comportements individuels ». Les signes extérieurs de radicalisation sont définis, dixit, par : la « barbe longue non taillée (moustache rasée) », les « cheveux rasés », l’« habillement musulman », les « jambes couvertes jusqu’à la cheville », le « refus du tatouage », le « cal sur le front », la « perte de poids liée à des jeûnes fréquents ». Les comportements sont eux à rapporter, toujours selon la circulaire : au « refus identitaire », à la « rhétorique politique (réf. à l’injustice en Palestine, Tchétchénie, Iraq, Syrie, Egypte) », à l’ « exposition sélective aux médias (préférence pour les sites webs jihadistes) » et à l’« intérêt pour les débuts de l’Islam ».

Notre corpus est constitué de commentaires d’internautes des supports de presse2 : Le Figaro, Huffington post, Valeurs actuelles, Le Parisien, Le Monde pour une centaine de commentaires. Nous y associons les commentaires d’internautes des réseaux sociaux (Facebook) suite à des événements localisés : des militants du mouvement Génération identitaire montent sur le toit de la mosquée de Poitiers, le 20 octobre 20123 ; le Rectorat de Poitiers édite un fascicule de prévention de la radicalisation à destination des enseignants du secondaire en novembre 20144. Nous tenterons de lier ces deux événements dans la construction d’un sens stéréotypique spécifique.

Dans un premier temps, nous étudierons la stéréotypie à la lecture de ces processus de réalisation, la stéréotypisation, la catégorisation et l’idéologisation. Dans un deuxième temps, nous définirons les spécificités sociotechniques du commentaire numérique médiatique. Nous le ferons après avoir évoqué l’historique de la bataille de Poitiers. Finalement, nous dégagerons des typologies des stéréotypes du toponyme Poitiers.

I. Stéréotypisation, catégorisation, idéologisation

Dans un ouvrage de référence sur les stéréotypes et la cognition sociale, J.P. Leyens et al. (1996) rappellent la nature sociale structurante des stéréotypes : « les stéréotypes correspondent à des catégories sociales inhérentes à la perception sociale » (ibid., p. 11) ; « les stéréotypes sont des croyances partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi souvent des comportements, d’un groupe de personnes » (ibid., p. 12).

Aussi, il faut distinguer le stéréotype qui a un contenu social, possiblement axiologique, de la stéréotypisation qui, en tant que processus (intra-psychique), est modelé par les individus, dans un contexte social donné. On peut se passer de certains contenus spécifiques mais pas du processus qui cherche à donner du sens au monde. L’usage des étiquettes doit être critiqué et non l’étiquette elle-même. L’étiquetage fige le rapport des mots aux choses, il fige le rapport social mondain. De son côté, la stéréotypisation est inévitable, elle est un processus normal et normatif. Elle implique l’homogénéisation à la base de toute vie sociétale. Elle permet de manière paradoxale la construction et réalisation socio-individuelle.

Le stéréotype devient alors jugement sur une catégorie. Les généralisations sont basées sur l’appartenance à une catégorie, possiblement liées à des inférences que tous les membres d’une catégorie donnée partagent. Elles sont douées de propriétés interchangeables produisant une pensée identificatrice globalisante. Le sens du stéréotype est de ce fait à appréhender en même temps dans la langue et dans la société.

La catégorisation implique un rapport à l’autre : « penser aux autres revient à les catégoriser - ou à les distinguer d’une catégorie » (ibid., p. 9). Si la catégorisation s’impose à tous (voir Hailon, 2014a), on peut se poser la question de la perception et de la réalisation stéréotypiques : quelle catégorie est utilisée ? par qui ? à propos de qui ? d’où l’importance de la contextualisation et de la mise en situation et en action sociale. Il s’agit alors de réfléchir aux effets pragmatiques et sociaux du stéréotype.

Aussi, nous percevons la force centripète du « je/nous » dans un rapport aux « ils/eux », aux « tous/les », tel que dans un exemple du type : « (je/nous pensons que) les tsiganes sont (tous) des voleurs de poule. » Le comportement (voleur) est déterminé par l’appartenance (tsiganes). L’identité prédétermine l’action. L’essentialisation se fait au dépend de l’événementialisation : les jugements préétablis s’imposent au regard de ce qui peut advenir, au regard de possibles faits contradictoires. Le générique cadre le divers, le pluriel, le potentiel.

De même, l’imaginaire qui institue les rapports discursifs est politique. L’idéologie ne se définit pas par rapport au manque de sens mais au contraire par excès : le remplissage, la saturation, la complétude produisent l’effet d’évidence idéologique. L’idéologie est interprétation du sens de manière unilatérale, dans une seule direction. C’est l’interprétation telle que la norme et l’ordre du discours l’imposent (Foucault, 1974). En cela, nous pouvons parler de stéréotypie de sens. La production du sens se fait d’un seul lieu, dans un seul sens. La forme d’imposition, l’idéologisation proprement dite, fait que les choses doivent se signifier ainsi et pas autrement. Le discours de Poitiers se fait à partir du discours identitaire extrémiste à travers lequel se réalisent des convergences de sens.

II. La « Bataille de Poitiers », histoire, mythe et mémoire

L’hypertrophie est une atrophie historique, mémorielle. Elle met en scène la mémoire longue. On décèle le rôle et la fonction de la mémoire langagière interpersonnelle (intériorisée) par rapport à ce qui est de mémoire collective (socialisée, socialisable). La mémoire individuelle est structurée par une mémoire collective qui l’organise (collectivement), et celle-ci est d’ordre et de finalité symboliques. A l’inverse, la mémoire sociale est activée par les individus qui s’en trouvent sujets de discours et de mémoire (Halbwachs, 1994 [1925]). Plus largement, « la mémoire participe de la construction de l’identité des sociétés » (Béradina, 1999, p. 335).

On peut ainsi observer la manière qu’ont les cultures et les sociétés de se reconnaître dans le miroir historique, « miroir de sens collectif » qu’elles se tendent, c’est-à-dire la connaissance d’un moi commun culturel par reconnaissance mémorielle. Les sociétés et cultures ont la conscience de ce qu’elles se donnent comme mémoire d’elles-mêmes. Elles s’auto-réalisent en cela. Le corps collectif mémoriel passe par les pratiques intersubjectives de sens, la mémoire interpersonnelle. La construction d’un espace culturel, du corps social, se réalise par cette interaction mémorielle.

Le propre des mémoires collective et historique est de participer à l’élaboration du sens commun, à l’identification/réalisation culturelle (Sarfati, 2011, p. 152-153, p. 157). Les individus en partagent plus ou moins consciemment le sens par la mise en commun d’une communication-socialisation historicisée. La mémoire collective, sociale renvoie à la normalisation du réel en tant qu’elle participe à l’établissement du sens commun partageable communément.

Note de bas de page 5 :

 La ville antique de « Vetus Pictavis » a plus de deux mille ans. Elle est située au confluent de la Vienne et du Clain sur la commune de Vouneuil-sur-Vienne. La ville qui s’étendait sur près de 80 hectares a été érigée par l’Empereur Auguste. Le « Vieux Poitiers » était une importante agglomération de l’époque gallo-romaine. Elle se trouvait sur une ancienne voie traversant le territoire d’un peuple de Gaule, les Pictons.

La dénommée « Bataille de Poitiers » opposa le 25 octobre 732, soit cent ans après la mort du prophète Mahomet, les troupes du duc des Francs, Charles Martel, et les forces de l’émir Abd al-Rahmân conduisant les Sarrasins. Abd al-Rahmân, dont le nom est parfois francisé en Abdérame, était un général omeyyade, émir de Cordoue et gouverneur d’Al-Andalus de 721 à sa mort en 732. Le lieu de la bataille s’est établi sur une confusion nourrie, depuis le milieu du 19e siècle, par le sens savant, et entretenue par le sens populaire. Des historiens anglo-saxons parlèrent de « The Battle of Tours » (Naudin et Blanc, 2015). La confusion existe entre le Vieux-Poitiers, « ancienne station romaine5 », situé à Moussais, dans les environs de Châtellerault et la ville même de Poitiers éloignée de plusieurs dizaines de kilomètres. La simplification linguistique, la suppression/omission de l’adjectif « Vieux » de Vieux-Poitiers, engendra la confusion géo-historique sur l’identité précise du lieu de bataille.

Cette bataille militaire sans grande importance va obtenir presque aussitôt un très grand retentissement dans les milieux éduqués. C’est ainsi qu’une chronique espagnole à peine postérieure à l’événement le décrit comme une victoire des Européens sur l’infidèle. C’est la première évocation connue de l’Europe comme civilisation et culture. La Bataille de Poitiers mit fin à l’expansion de l’Islam dans l’Europe médiévale.

Note de bas de page 6 :

 Le MNR est un parti politique nationaliste et conservateur, dissident du Front national, créé en 1999 par Bruno Mégret.

On notera comme répercussion actualisée de la symbolique de la Bataille de Poitiers en tant que lieu de la défense de la civilisation européenne, chrétienne, le discours de Bruno Mégret, alors membre du Mouvement national républicain (MNR)6, « sur le site de la Bataille de Poitiers », le 30 septembre 2001 :

« Dans la plaine qui s’étend derrière moi, il y a maintenant près de treize siècles, s’est déroulée une bataille aux conséquences considérables. […] La Bataille de Poitiers n’a pas été qu’un évènement décisif pour le destin de la France, elle a rendu possible l’avenir de l’Europe et elle constitue l’une des clés de l’histoire du monde. […] Ce ne fut pas seulement l’affrontement de deux armées ou celui de deux royaumes, ce fut le choc de deux civilisations : la civilisation européenne et chrétienne face à la civilisation arabo-musulmane. »

III. Cognition socio-technique : spécificités du commentaire internaute

Selon B. Latour (1997), les spécificités de l’acteur « réseau » ont permis l’allongement des pratiques, l’extension des sociétés, l’accroissement du nombre d’actants ainsi que de nouveaux aménagements d’anciennes croyances (ibid., p. 70). La cognition socio-technique a permis la relation entre l’individu et l’environnement technique vue comme un couplage, une codétermination idéologique : « le parcours des idées, des savoirs ou des faits eut été compris sans difficulté si nous les avions traités comme des réseaux techniques » (ibid., p. 161). L’approche symétrique qui prend en compte des productions hétérogènes, composites (langagières mais pas seulement) est un mélange de matériel et d’émotionnel, de corporel et de technique. Le dispositif technique est constitutif de l’activité cognitive pour la perception, la mémoire, les interactions, l’imagination. Par le réseau, la médiation du sens défait la perspective horizontale/verticale du point de vue de la communication (voir Hailon, 2014b).

La communication numérisée a permis l’activation d’interactions scripteur-lecteur par le jeu de coproduction et coréalisation de l’information (commentaires, tweets…). Elle a créé un terrain commun amplifié en permettant de mémoriser et de faire circuler à grande échelle et en fréquence l’ensemble des paroles politiques et publiques. Aujourd’hui, l’analyse du discours des médias ne semble pas pouvoir faire l’économie mémorielle du dispositif socio-technique numérique. L’information et la communication numériques par les modes d’accélération et de réactivation proposent de nouveaux modes et codes d’échange et d’intercompréhension.

Les commentaires des internautes sur les plateformes numériques des journaux en ligne font partie des nouveaux moyens de communication et d’interaction entre lecteurs et journalistes. Les discours liés à des dispositifs sociotechniques permettent et encouragent la participation des lecteurs dans l’espace virtuel des journaux (Calabrese, 2014, p. 13). Selon M. A. Paveau (2013), les technodiscours proprement dits sont des routines de consommations de l’information. Internet crée et exige plus d’interactions et de réactions individualisées. M. Palacios (2012) assimile le commentaire numérique à des notes de marges qui viennent appuyer, illustrer et préciser un propos plus général.

Note de bas de page 7 :

 Inscrit dans la réflexivité du dire, le métadiscours est le commentaire que porte le locuteur sur du discours, possiblement son propre discours, le prenant pour objet. La méta-énonciation est le commentaire énonciatif que le locuteur porte à l’intérieur de sa propre énonciation. Le métalangage est un langage qui a globalement du langage pour objet.

Le commentaire proprement dit est de nature métadiscursive7. Il s’agit dans le cas présent précisément d’un discours (d’échanges, de débats, d’opinions, critique) sur un discours de résurgence historique, de réémergence de « Poitiers » dans les médias. Le commentaire en tant que pratique sociale sert à agir et à se positionner dans un espace de partage : partage de représentations et d’identités discursives. La négociation du sens se fait entre accord et désaccord à travers la coexistence de points de vue antagonistes. Dans le cas de « Poitiers », il s’agit de commentaires du type participation-réaction spontanée avec des contributions peu élaborées, des énoncés relativement brefs. L’impression générale est que les échanges semblent piégés sur le plan des représentations. Il y aurait un consensus dans la polémique, le propre du discours agonique, d’où la stratégie d’évitement - possiblement ironique - de certains scripteurs qui, paradoxalement, contribuent tout en esquivant d’échanger sur le terrain idéologique. Ce positionnement agit comme une sorte de déminage idéologique, entre acceptation de l’échange et refus de la confrontation. L’agora dialogique et critique s’en trouve ainsi distanciée. Il s’agit d’une distance critique d’invalidation de représentations en cours.

IV. Typologies d’un toponyme en stéréotype

A. Une stéréotypie « fourre-tout »

Un premier constat est à établir à la première lecture du corpus. Celui-ci fonctionne comme une sorte de fourre-tout contestataire, protestataire. L’esprit contestataire que l’on trouve aussi sous la forme de râlerie semble être un trait de caractère du peuple France, une saillance culturelle. On est tenté d’établir un rapport avec ce qu’on appelle assez souvent l’esprit contestatairedes Français, et de voir dans celui-ci la valeur culturelle sous-jacente d’une prédisposition française. Selon M. Kodmani (2001), le rapport est des plus explicites :

« Râler est notre façon [Français-e] d’entretenir au quotidien cet esprit contestataire qui a fait les grandes pages de notre histoire de révoltes, de révolutions, de remises en cause, d’insoumissions et de passions.» (ibid., p. 41)

Note de bas de page 8 :

 On notera particulièrement dans le corpus l’attaque ad personam sous couvert de formulation allusive : « Charles Martel a été remplacé par Toutmou » (com. Valeurs actuelles, 24/11/14). L’attaque ad personam vise la personne quand l’attaque ad hominem concerne la cohérence – ou plutôt l’incohérence – de ses propos. Par l’attaque ad personam, il s’agit de traiter quelqu’un de tous les noms et ainsi de chercher à le discréditer.

Ainsi, les lecteurs par leurs commentaires s’en prennent à l’Education nationale (« pour une fois qu’il voit la réalité en dehors de leurs bureaux »), aux enseignants (« les enseignants sont des collabos de l’islamisation de la France »), à la personne de la ministre de l’Education nationale N. Vallaud-Belkacem (« beau visage, belle dentition », « belcassine », « la femme de… », « ministre musulmane »), au président de la République F. Hollande (« Toutmou »8). On y évoque les « Croisades », le racisme (« c’est du racisme »), le conflit israélo-palestinien (« Hamas »), « la guerre des sexes » : « les féministes fanatiques tuent par amour des bombes et par détestation de dieu, le père... » ou encore le « Ku Klux Klan », « Anders Breivik »(meurtrier de masse norvégien) …

On y rencontre aussi, par ailleurs, de premiers détournements ironiques : « je ne suis pas tatoué », « mon collègue refuse de boire », « je connais une femme avec une longue barbe » … qui font directement allusion aux propositions du Rectorat de Poitiers en matière de lutte contre la radicalisation. Il s’agit ici de tourner en ridicule toutes les marques et signes de ce que serait qu’être un islamiste radical (infra).

Précisément, on peut dans un second temps de lecture établir une distinction entre des stéréotypes toponymiques historiques de différentes natures et valeurs argumentatives que ce soit pour marquer un jugement appréciatif ou critique ou pour chercher la certitude à travers la supposée franchise du dire.

B. Stéréotypies de dépréciation et stéréotypies de discrétion

Note de bas de page 9 :

 La distance critique consiste, de manière tautologique, à prendre une position symbolique critique, de contre-doxa, de contre-idéologie, et à dire et produire à partir de cette place (le topos) ; ceci possiblement pour d’autres évidences, d’autres doxa, d’autres topos.

Note de bas de page 10 :

 Il faut noter que les commentaires de distance critique sont beaucoup moins nombreux que les commentaires de discrimination. Pour ce qu’on n’a pu observer, la proportion est de un pour huit : un commentaire de distanciation pour huit commentaires de dépréciation.

Les commentaires peuvent être de différentes valeurs. Ils peuvent être utilisés négativement, pour discriminer ou pour prendre une distance critique9, distance de discrétion. Nous nommons discrétion une posture de réserve, qui cherche à neutraliser idéologiquement l’objet en circulation et en répétition de sorte de tenter de ne pas participer idéologiquement à la doxa communément admise ; tel que le laisse entendre par exemple ce commentaire d’un lecteur du Monde : « On dirait que certains se croient toujours en 732, à Poitiers » (commentaires Le Monde, 24/11/14)10.

1. Des commentaires de dépréciation

Note de bas de page 11 :

 Les citations du corpus sont telles qu’elles apparaissent sur les sites en ligne, sans retouche grammaticale et orthographique.

Parmi les stéréotypes de dépréciation portant des commentaires de valeur péjorative, alors discriminants, on note dans le corpus11 :

(1) « Dans mon enfance, j’ai appris à l’école de la République, que Charles Martel avait arrêté les arabes à.... Poitiers ! J’imagine que ce passage a été retiré des livres d’histoire car non correct. » (Commentaire, Le Monde, 24/11/14)

(2) « Poitiers, haut-lieu du sentiment de fibre nationale, toujours en pointe. » (Commentaire, Le Figaro, 24/11/14)

(3) « Il n’y plus de débat, ils [les enfants] n’ont plus de morales et de valeurs alors oui Poitiers veut revenir à ces valeurs françaises devant un pays qui les à oubliés et s’en et éloigné à force de compromis… » (Commentaire, Le Figaro, 24/11/14)

(4) « On est où ici en France pas au Moyen Orient que je sache, Poitiers n’a pas oublié son histoire. » (Commentaire, Valeurs actuelles, 24/11/14)

(5) « On les avait arrêtés une fois à Poitiers, et bien ! Cette fois-ci, comme ils ont déjà une armée à l’intérieur qui commence par démolir les remparts, ça ne fonctionnera pas ! » (Commentaire, Valeurs actuelles, 24/11/14)

Dans tous ces commentaires, Poitiers fonctionne comme un stéréotype-pivot qui a intégré le défaut de localisation (supra). Le toponyme Poitiers est utilisé comme pivot argumentatif, avec l’emploi de l’anaphorique « haut-lieu » en (2). On note aussi des pivots complémentaires en 1 avec la mention historique de Charles Martel. Le rapport à l’histoire se fait à travers le vécu personnel du lecteur « dans mon enfance » en (1), à travers l’évocation de la discipline scolaire : « livres d’histoire » également en (1), de ce qui est utile aux enfants (« ils ») en (3) et par l’évocation des temps passés de la ville : « son histoire » en (4). On mentionnera aussi les formules porteuses de valeurs politiques : « Ecoles de la République » en (1), celles-ci seraient soi-disant absentes : « plus de valeurs et de morales » en (3). L’exaltation du sentiment de fierté nationale se fait entendre avec « car non correct » en (1), « toujours en pointe » en (2), « valeurs françaises » en (3), « n’a pas oublié son histoire » en (4) ; de manière radicale avec « éloigné à force de compromis » en (3).

Par ailleurs, de manière plus spécifique encore, parmi les commentaires porteurs de valeur nationaliste et/ou identitaire, on observe en (1) et (4) la mention explicite des identités ennemies : « arabes », « Moyen-Orient ». En (5), l’évocation de l’arabité est allusive (« les », « armée à l’intérieur »), elle laisse supposer une invasion (« démolir les remparts ») par des partisans ou des espions infiltrés, à la solde d’une nation ennemie. Selon P.-A. Taguieff (1996), l’ennemi intérieur est le thème central du nationalisme frontiste :

« l’ennemi du peuple est toujours bifacial, à la fois extérieur et intérieur. La menace est polymorphique et polytope : l’immigration non européenne est ainsi fictionnée comme une armée étrangère de l’intérieur » (ibid., p. 184).

Ici, Poitiers apparaît comme le symbole de la lutte pour la victoire, métaphore d’un pays, d’une civilisation en danger, menacée. Celui-ci permet de construire le jugement d’une identité française inscrite dans l’histoire et dans les mœurs. Ce jugement a une tonalité extrémiste.

2. Des commentaires de discrétion

Parmi les stéréotypes de discrétion qui fonctionnent comme désamorçage idéologique, on note dans le corpus :

(6) « De Poitiers ! lol. » (com. Le Figaro, 24/11/14)

(7) « Mur du « çon » encore franchi à Poitiers ! ! ! » (...) (com. Facebook, 12/01/15)

(8) « Ho ben non les copains, les fachos normalement ils vivent dans le sud-est pas dans le Poitou ! Qu’est-ce qu’ils foutent au milieu des universitaires... ha, merde, ils ont appris leur leçon d’histoire 732 et l’arrêt des arabes à Poitiers c’est ça ! » (com. Facebook, 12/01/15)

(9) « Et bien alors que leur arrive t-il dans l’Académie de Poitiers, se sont-ils mis Martel en tête ? » (com. Le Figaro, 24/11/14)

(10) « Te fatigue pas Jean Marie... aucune chance que les Français se mettent Martel en tête (et sa fille non plus d’ailleurs) » (com. Huffington post, 10/11/15)

Les commentaires (6), (7), (8) et (9) ont aussi comme pivot argumentatif Poitiers, et sontcouplés aux anaphoriques « Poitou », « milieu des universitaires » en (8). Y sont associés également les pivots complémentaires « 732 », « Martel » respectivement en (9) et (10), ainsi que la référence explicite « l’arrêt des arabes » en (8).

Note de bas de page 12 :

 LOL est l’équivalent de MDR (Mort de rire) en français.

Certains de ces énoncés sont porteurs de tonalités ironiques. En (6), l’ironie se réalise avec l’acronyme de l’anglais « lol » (Laughing out loud,soit littéralement rire tout haut ou familièrement mort de rire12) employé en tant qu’interjection et qui symbolise le rire, l’amusement. On note aussi les interjections « ho ben non », et sous forme d’injure « ha merde » en (7) et « et bien alors » en (9) qui permettent d’exprimer de manière spontanée l’étonnement, l’incrédulité du lecteur-rédacteur. En (7), l’ironie se fait à travers l’homophonie « son/çon » et la proximité graphique de « çon » et « con ». L’injure est ici allusive.

Note de bas de page 13 :

 A ce propos, on pourra noter hors corpus le détournement évocateur : « Je ne suis pas Charlie, je suis Charlie Martel » de J.-M. Le Pen au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, le 09 janvier 2015 (source HuffPost). Le détournement procède de la (ré)appropriation idéologique.

On notera par ailleurs, relevant de même effet, l’équivoque de l’expression « se mettre martel en tête ». Selon le dictionnaire en ligne du CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), le martel est l’ancienne forme de marteau, d’où le sens métaphorique de recevoir des coups de marteaux sur la tête. « Se mettre martel en tête » signifie communément se faire du souci. On peut douter de la fidélité de celui ou celle que l’on aime est se mettre martel en tête. Il s’agit d’un détournement par homophonie, Martel évoque le personnage historique que l’on semble s’évertuer à convoquer en toute circonstance et polémique. C’est aussi se faire du mal, « se marteler les idées », en convoquant les représentations associées extrémistes, notamment celles du Front national (Jean-Marie13, et sa fille). De même, on relèvera le terme dépréciatif « facho » pour fasciste en (8), ainsi que les localisations (dans le sud-est pas dans le Poitou). Dans tous ces cas, l’ironie s’attaque au crédit que l’on doit porter au fait que Poitiers soit, (re)devienne encore un lieu d’affrontement. Il s’agit par ces commentaires de tourner au ridicule les incessantes évocations de ville témoin et faiseur d’histoire pour en changer le sens, pour en défaire la portée symbolique, ainsi que de chercher à déconstruire la représentation qui amalgame un lieu et une victoire (historique, idéologique)sur un ennemi supposé.

C. Une stéréotypie de la franchise : « appeler un chat un chat »

Nous concevons ici de nous intéresser au stéréotype de la franchise en tant qu’il relève du franc-parler, du discours de sincérité, voire du discours de vérité vraie. Les lecteurs-rédacteurs par leur commentaire de réaction/justification cherchent à exonérer le discours des défauts du dire, afin d’en révéler la transparence.

Nous nous intéresserons tout particulièrement à la formulation tautologique « appeler un chat un chat » dont nous avons relevé plus d’une dizaine d’occurrences. Parmi les plus significatives, on trouve :

(11) « Sur certains sujets, il est politiquement incorrect d’appeler un chat un chat. Mais il est vrai qu’à Poitiers leur lourde hérédité depuis Charles Martel devrait leur valoir des circonstances atténuantes. » (com. Le Figaro, 24/11/14, 14h50)

(12) « Appeler un chat un chat est désormais condamnable, alors pour faire un guide en langage politiquement correct demandez donc directement aux fanatiques islamistes leurs critères de recrutement. » (com. Le Monde, 24/11/14, 19h)

(13) « Vous en voyez beaucoup vous de catho qui partent faire des guerres saintes en ce moment ? Appelons un chat un chat, un djihadiste est un musulman extrémiste tout comme les inquisiteurs étaient des cathos extrémistes... Que ça plaise ou non à la police de la pensée mediatico-socialiste. » (com. Le Parisien, 24/11/14, 17h11)

(14) « La menace djihadiste pullule en France mais la Gauche ne veut pas la voir parce que elle a peur des amalgames. Pourtant il faut bien appelé un chat un chat. Mais évidemment quand on soutient sans réserve les terroristes du Hamas. » (com. Valeurs actuelles, 24/11/14)

Selon J. Authier-Revuz (1995), le commentaire méta-énonciatif « appeler un chat un chat » correspond à une modalisation de stricte adéquation du référent à la réalité qu’il nomme (ibid., p. 572). L’écart entre les mots et les choses est interrogé dans sa capacité à nommer la réalité. Le commentaire produit par le locuteur a pour but de ratifier la nomination, ainsi d’en confirmer la coïncidence.

Dans les exemples suivants, on note la recherche d’adéquation couplée à « (langage) politiquement (in)correct » en (11) et (12), « a peur des amalgames » en (14). On note aussi les stéréotypes-pivots « Poitiers » et « Charles Martel » en (11). La recherche du parler vrai tourne à l’occultation avec « pensée médiatico-socialiste » en (13). Le rejet des manières de dire et de penser passe pour le commentateur par la dépossession de la vérité « désormais condamnable » en (12) ou par l’incompréhension « mais évidemment quand on soutient… » en (14). Il se réalise dans un réajustement sémantique et idéologique, de bon et seul sens possible.

Par ailleurs, nous pouvons observer que la vérité visée par le défaut de nomination est explicite en (12), (13) et (14) : respectivement « fanatiques islamiques » en (12), « djihadiste », « musulman extrémiste » en (13) et « menace djihadiste », « terroristes du Hamas » en (14). Elle est allusive en (11), « lourdes hérédités depuis Charles Martel ». En (13), l’opposition est faite entre les « catholiques extrémistes des guerres saintes » dans l’histoire passée (« était ») et le « musulman extrémiste » de l’actualité récente (« est »). Il s’agit d’une réactualisation des représentations des guerres de religion dont la religion musulmane est encore partie prenante. On notera aussi que le pouvoir en place - « pensée médiatico-socialiste » en (13) et « la Gauche » en (14) - est tenu pour responsable de cet état de fait, d’une menace (dhijadiste) qui pèse sur les individus.

Sur le plan argumentatif, on relèvera un phénomène réactionnaire de réajustement sémantique et idéologique. La chose visée est idéologiquement liée au problème de la religion musulmane en France. Cette religion pose problème et les discours ne semblent pas assez dire tout ce qu’il y aurait à dire (de problème). Ceci marque une incompatibilité culturelle entre ceux qui ont réussi à se défaire du joug (extrémiste) religieux, les civilisés Occidentaux et ceux qui y sont encore, les incivilisés Orientaux, arabes, musulmans.

Par ailleurs, on note dans notre corpus un exemple de désamorçage ironique qui vient prendre le contre-pied argumentatif du stéréotype en circulation et ceci pour en défaire la charge idéologique :

(15) « Il faut savoir appeler un chat « un chat », même si c’est aussi un animal couvert de poils et qui ronronne quand on le caresse, c’est avant tout un chat. » (com. Le Figaro, 24/11/14 ; 15h34)

Il s’agit dans le cas présent de revenir à la nature même des choses, au chat, à ses caractéristiques et attributs : « animal », « couvert de poils », « ronronne », « caresse ». La marque tautologique (« avant tout un chat ») accentue la construction formelle par la répétition à l’envi de « chat » et tourne ainsi en ridicule, à l’absurde, ceux et celles qui cherchent à dire le juste, le vrai. L’image métaphorique à portée politique s’en trouve défaite.

Pour conclure

Ainsi, différentes étiquettes de stéréotypie peuvent être établies : tout d’abord, des stéréotypies de connaissance (sociocognitives). Celles-ci renvoient à des savoirs mondains disponibles, normés sur le plan des représentations. Il s’agit dans le cas présent de discours prédictifs d’un rapport identitaire conflictuel entre nous (Français, chrétiens, civilisés) et eux (arabes, musulmans, incivilisés). L’altérophobie mise en scène est validée comme manière de dire et de penser la réalité sociale, par l’évocation d’une altérité inconciliable. Dans ce cas, les discours sont socio-normés (« policés »), saturés par les réactualisations et réactivations de préconstruits implicites : le problème de l’immigration (musulmane).

Ensuite, on note des stéréotypies de l’interprétation sociopolitique qui sont des scénarios discursif et cognitif de reproduction et de confusion idéologiques : stéréotypie sociosémantique. Il s’agit d’évoquer de manière tronquée Poitiers et sa bataille. Poitiers est le lieu du désordre national, du désordre identitaire localisable. Il est symbole de lutte pour la survie civilisationnelle à travers les images de pays en conflit. A ce propos, parmi les effets pratiques d’un tel ressenti, on peut souligner le fait que la mosquée de Poitiers a été incendiée le 12 janvier 2015, quatre jours après les tueries de Charlie Hebdo. De telles récurrences permettent le passage à l’acte islamophobe.

Puis, viennent les stéréotypies de genre discursif qui s’attachent à définir les frontières des discours, notamment des discours identitaires pour ce qui nous a intéressé, quand le nous ne peut se faire avec eux. Les discours identitaires demandent toujours de trancher, de choisir son camp d’une certaine manière. Il s’agit précisément de discours de répercussion des stéréotypes identitaires contestataires sous couvert de parler et penser vrai tautologique (« un chat est un chat »). Le discours de vérité idéologique (de vérité vraie) tel que le définit M. Angenot (1982) se réalise à travers la position du pamphlétaire qui cherche à se réapproprier le sens car il s’en trouvé dépossédé. On notera aussi sous cette étiquette les commentaires de désamorçage par ironie : le ridicule dit aussi vrai. Ces commentaires cherchent à prendre une position critique dégagée du prisme identitaire. Les discours s’en trouvent en cela piégés, ils sont idéologiquement saturés.

Note de bas de page 14 :

 Voir Hailon 2014a (p. 46-52) pour une réflexion sur les conflits cognitifs « intérieur extérieur » de la sociopsyché humaine qui s’appuie, entre autres, sur la théorie de la reconnaissance d’Honneth (2008) ; et possiblement définissable en tant qu’ethno-idéo-pathémie.

Les réactivations mémorielles sont ainsi caution des déterminations idéologiques. Il y a un recyclage, une réappropriation idéologique de l’histoire et des mémoires associées. Poitiers en tant que stéréotype-pivot de la défense identitaire hexagonale véhicule des représentations anxiogènes, « pathogènes » de la société, le langage semblant s’en trouver contaminé par le faux. On pourra parler des aspects pathémiquesdes discours qui se perpétuent dans le faux de la vérité historique tout en cherchant à trouver le vrai du dire. Le sens commun se construit ainsi symboliquement en contradiction et en défection de soi et de l’autre14, dans une forme de violence verbale à laquelle certains commentateurs cherchent à échapper.