Marion Colas-Blaise (Université du Luxembourg)



« Vers une politique du nudge : l’instrument au service de l’incitation »

Le point de départ de cette réflexion est fourni par la théorie greimassienne de la manipulation (Greimas & Courtés 1979 : 220) et par la théorie des interactions (intentionnalité et ajustement) développée par Landowski (not. 2007).

L’hypothèse est que la politique du nudge par l’incitation (Ricoeur 1949) peut se caractériser par la préséance du savoir-faire sur la modalité du vouloir-faire, un des défis consistant à articuler l’incitation avec la séduction par le savoir-faire (Greimas & Courtés 1979 : 221). Ainsi, la « motivation » (Fontanille 2003 [1998] : 179) singulière ne serait pas nécessairement antérieure ; elle pourrait être la conséquence d’un pouvoir-faire et d’un savoir-faire collectifs, témoignant d’un certain cadre social. On pourra évaluer la part prise par les instruments qui modalisent le futur sujet selon le savoir-faire, par exemple les interfaces numériques dédiées aux technologies smart-grids ou réseaux électriques communicants (Lassalle, Amelot, Chauvin, Boutet-Diéye 2016).

Ensuite, il faudra s’interroger sur la séquence qui fournit un plan d’expression au faire incitatif : la phase de l’intéressement, c’est-à-dire de l’attraction exercée sur l’instance sensible, à distinguer encore du vouloir-faire et de la gestion des intérêts ; celle d’une configuration des instruments qui rende possible une interaction avec l’instance sujet efficiente, grâce à un double processus d’instrumentation (de l’objet vers le sujet : émergence de schèmes d’utilisation) et d’instrumentalisation (du sujet vers l’objet : reconfiguration et créativité ou invention) (Lassalle, Amelot, Chauvin, Boutet-Diéye 2016 ; Rabardel 1995).

Enfin, parlera-t-on d’un imaginaire véhiculé par la notion de nudge ? Celle de pression, insuffisamment théorisée, pourra être questionnée à la lumière de celle d’influence, entre contraintes et ouverture de possibles.

Concrètement, la réflexion s’appuiera sur des exemples empruntés au domaine de la protection de l’environnement, la confrontation des différents régimes de la manipulation me conduisant à prendre également en considération le texte de la Charte de l’environnement.

 

Bibliographie

  • Greimas, Algirdas Julien, Courtés, Joseph, 1979, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette.
  • Fontanille, Jacques, 2003 [1998], Sémiotique du discours, Limoges, Pulim.
  • Landowski, Eric, 2007, « Avant-propos : ajustements stratégiques », Actes sémiotiques, n° 110. Disponible sur : <http://epublications.unilim.fr/revues/as/66> (consulté le 29/01/2019).
  • Lassalle, Julie, Amelot, Adelaïde, Chauvin, Christine, Boutet-Diéye, Annabelle, 2016, « De l’artefact à la naissance de l’instrument pour la maîtrise de la consommation d’électricité : approche ergo-sociologique de la genèse instrumentale des smart-grids », Activités, no 13-2.
  • Rabardel, Pierre, 1995, Les hommes et les technologies ; approche cognitive des instruments contemporains, Paris, Armand Colin.
  • Ricoeur, Paul, 1949, Philosophie de la volonté. Le volontaire et l’involontaire, Paris, Aubier.
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