Plantes indicatrices et détection des habitats colonisés par le mollusque Omphiscola glabra sur les sols acides du Limousin Indicator plants and detection of habitats colonized by the snail Omphiscola glabra on the acid soils of Limousin

Daniel RONDELAUD ,
Philippe Hourdin ,
Philippe VIGNOLES 
Gilles DREYFUSS 

https://doi.org/10.25965/asl.221

Des investigations de terrain ont été réalisées pendant trente années en mars ou avril dans 361 fermes élevant des bovins ou des moutons sur sols acides pour noter les plantes indicatrices par rapport à la catégorie d’habitat colonisé par Omphiscola glabra. Sept types d’habitats et six espèces de plantes indicatrices ont été considérés dans les 3.137 sites colo-nisés par la limnée. Juncus effusus a été trouvé dans 65 à 100 % des habitats par rapport à leur type, tandis que le Jonc acutiflore est la meilleure espèce indicatrice pour 87,6 % des habitats situés dans les sources. La superficie des gîtes s’étend jusqu’à 20 m2 et plus dans les sites avec l’un ou l’autre jonc et le nombre d’habitats montre un pic dans la classe des 5,1-10 m2. Des superficies plus faibles ont été notées dans les sites avec les autres plantes et les pics se situent dans la classe des 5,1-10 m2 (sites avec Agrostis stolonifera) ou des 2,1-5 m2 (les trois autres espèces). La densité en adultes transhivernants peut aller jusqu’à plus de 20 individus/m2 et les pics se situent dans la classe des 1-5 adultes/m2 (sites avec Glyceria fluitans) ou dans celle des 5,1-10 adultes/m2 (sites avec les autres espèces). Dans le Limousin, les populations d’O. glabra peuvent donc être détectées par une méthode en deux étapes, incluant l’identification des zones hydrographiques et, dans un secteur donné, l’emploi d’une ou de plusieurs plantes indicatrices (J. effusus le plus souvent).

Field investigations in 361 cattle- or sheep-breeding farms on acid soil were carried out during thirty years in March and April to record indicator plants in relation to the category of site colonized by Omphiscola glabra. Seven types of snail habitats and six species of indicator plants were considered in the 3.137 positive sites studied. The presence of Juncus effusus was noted in 65 to 100 % of habitats according to their type, while Juncus acutiflorus was the best indicator plant for 87.6 % of habitats located in meadow springs. In sites with either Juncus species, several areas larger than 20 m2 could be noted and the number of habitats peaked in the 5.1-10 m2 class. Smaller areas were found in the habitats with either of the other four plants and the peaks were noted in the 5.1-10 m2 (sites with Agrostis stoloni-fera) and 2.1-5 m2 (sites with the other species) classes. Snail density can reach 20 overwintering adults and more per m2 of habitat and the peaks were noted in the 1-5 adults/m2 (sites with Glyceria fluitans) and 5.1-10 adults/m2 (sites with the other species) classes. In the Limousin region, the populations of O. glabra can be detected using a two-step method, including the identification of hydrographical zones and then, within a given zone, the use of a single or several indicator plants (frequently J. effusus).

Sommaire

Texte intégral

Introduction

La Limnée étroite (Omphiscola glabra) est connue pour être l’hôte intermédiaire de plusieurs parasitoses d’intérêt médical ou vétérinaire dans la région du Limousin. Parmi celles-ci, figurent les distomatoses à Fasciola hepatica et à Calicophoron daubneyi (Vignoles et al., 2016). Pour contrôler ces parasitoses, il est nécessaire de traiter le bétail pour éliminer les douves adultes et aussi de contrôler le mollusque hôte dans ses habitats. La recherche des populations d’O. glabra sur le terrain est toujours difficile en raison des nombreux points d’eau temporaires ou permanents que la limnée peut coloniser sur sols acides. La recherche de plantes indicatrices a été proposée par Over (1962, 1967) comme l’un des moyens les plus pratiques pour réaliser une enquête malacologique sur les pâtures d’une ferme avec un problème de fasciolose animale. Cette idée s’appuyait sur des observations que de Brie (1379) avait réalisées en signalant qu’il y avait un danger, pour les moutons, d’aller pâturer dans un champ présentant de nombreuses renoncules appartenant à l’espèce Ranunculus flammula Même si ces plantes sont présentes dans une prairie, cela ne signifie pas qu’il y ait un habitat réel pour la limnée (Taylor, 1965). De plus, d’après Guy et al. (1996), il n’y a pas de relation entre la présence d’une telle plante et l’abondance des mollusques dans un habitat dans la mesure où ce dernier existe.

Comme O. glabra vit souvent dans les mêmes rigoles de drainage superficiel qu’une autre limnée : Galba truncatula (Vareille-Morel et al., 1999, 2007), il est logique de penser que les plantes indicatrices permettant la détection des habitats de G. truncatula pourraient être les mêmes pour identifier les gîtes où vit la Limnée étroite. Plusieurs auteurs comme Patzer (1927) et Mehl (1932) en Allemagne ou encore de Vries (1945) et Roberts (1950) en Grande-Bretagne ont fourni plusieurs listes de plantes indicatrices pour identifier les habitats de G. truncatula. Dans les prairies permanentes du Limousin, plusieurs espèces comme Juncus acutiflorus ou J. effusus ont déjà été rapportées comme des plantes indicatrices (Ghestem et al., 1974 ; Gaultier et al., 1994 ; Guy et al., 1996). Par contre, sur les berges de rivière et d’étang, ces plantes font partie de la famille des Poaceae (Dreyfuss et al., 1997 ; Hourdin et al., 2006). Une première étude rétrospective a été réalisée sur les résultats des investigations que notre équipe a conduites pendant 30 années dans 361 fermes du Limousin i) pour dresser la liste des plantes indicatrices par rapport aux habitats colonisés par G. truncatula et ii) pour établir les corrélations avec la présence ou l’absence de la limnée, sa densité et les caractéristiques de l’habitat (Rondelaud et al., 2011). D’après ces auteurs, le Jonc acutiflore est la plante indicatrice la plus fréquente pour identifier les gîtes de la Limnée tronquée dans les pâtures tandis que sur les berges des cours d’eau ou des étangs, c’est la glycérie (Glyceria fluitans) qui caractérise le mieux les habitats de cette limnée.

Devant les résultats que nous avons obtenus avec la Limnée tronquée, il était intéressant de rechercher si l’emploi de ces plantes indicatrices permettait aussi d’identifier les habitats d’O. glabra dans le Limousin au travers des deux questions suivantes : quelle est l’espèce végétale qui permet d’identifier la plupart ou l’ensemble des gîtes où vit la limnée par rapport au type d’habitat ? Existe-t-il des corrélations entre la présence de cette plante indicatrice et la superficie de l’habitat ou encore la densité des mollusques qui le peuplent ? Pour répondre à ces questions, la même étude rétrospective a été réalisée sur les résultats obtenus dans les 361 fermes mais cette fois sur les habitats de la Limnée étroite.

Matériel et méthodes

1. Fermes étudiées

De 1976 à 2006, des cas de distomatose à F. hepatica ont été détectés par le monde vétérinaire chez les bovins ou les moutons vivant dans 361 fermes situées sur les trois départements du Limousin, à savoir le nord de la Corrèze (71 fermes), la Creuse (56) et la Haute-Vienne (234). Toutes les exploitations sont localisées sur des sols cristallophylliens ou métamorphiques et 97,5 % d’entre elles ont une altitude comprise entre 100 et 500 m. Les prairies permanentes présentes sur ces fermes sont hygro-mésophiles et sont soumises à un régime alterné de fauche et de pâture. Un réseau de drainage superficiel y est généralement creusé. Elles sont soumises à un climat continental fortement modulé par les vents qui viennent de l’Océan Atlantique. Selon les années, la pluviométrie annuelle varie de 800 à 1000 mm, tandis que la température moyenne annuelle est de 10° ou 10,5°C.

Des investigations malacologiques ont été réalisées sur la superficie de chaque ferme pour localiser les plantes indicatrices dans les prairies permanentes, dans les fossés de route ou de chemin qui les bordent, ainsi que dans les zones piétinées par les bovins. Cette opération a été également effectuée sur les berges des systèmes d’évacuation, à savoir les étangs et les rivières. La superficie totale concernée par ces investigations dans les 361 fermes s’élève à 385,7 km2 (Vareille-Morel et al., 2007). Toutes ces prospections ont été pratiquées en mars ou en avril parce que les sites sont alors remplis d’eau et que la pousse de la végétation est suffisante pour identifier les espèces de Poaceae.

2. Plantes indicatrices

D’après les rapports de Ghestem et al. (1974), de Gaultier et al. (1994) ou de Guy et al. (1996) sur les prairies hygro-mésophiles sur sols acides, les plantes indicatrices considérées dans cette étude sont Juncus acutiflorus, Juncus effusus et Lotus uliginosus. Ces espèces ont été choisies car elles représentent plus de 75 % des plantes dans ces pâtures (Guy et al., 1996). Dans les fossés de route, les deux espèces de Juncus, Agrostis stolonifera et Glyceria fluitans ont été sélectionnés. Sur les berges de rivière ou d’étang, deux rapports par Dreyfuss et al. (1997) et Hourdin et al. (2006) ont montré la dominance de Dactylis glomerata et de G. fluitans dans les sites avec G. truncatula.

3. Protocole expérimental

Lorsqu’une plante indicatrice, isolée ou dominant les autres espèces par son abondance, est trouvée près d‘un point d’eau dans les prairies et les fossés, ou sur une berge, la zone est examinée pour détecter la présence de la limnée. Dans chaque habitat, l’abondance de la population est évaluée en comptant les adultes (plus de 12 mm en hauteur) de la génération transhivernante. Chaque comptage est effectué par deux personnes pendant 30 à 40 min. La superficie de chaque site est ensuite calculée. Cette opération est facile à réaliser dans le cas des rigoles, des fossés et sur les berges d’étang ou de ruisseau. Les habitats localisés autour des sources et dans les zones piétinées sont cartographiés et leur superficie est ensuite calculée en fonction de leur forme géométrique et de leurs dimensions.

4. Paramètres étudiés

La superficie des habitats et la densité en mollusques transhivernants en mars ou avril ont été exprimées pour chaque type d’habitat et chaque plante indicatrice considérée isolément. Afin de déterminer la distribution des habitats colonisés par O. glabra en fonction de leur superficie, les valeurs de ce paramètre ont été classées dans les cinq catégories suivantes : moins de 2 m2, de 2,1 à 5 m2, de 5,1 à 10 m2, de 10,1 à 20 m2, et plus de 20 m2. Dans le cas de la densité en limnées, les cinq catégories sont les suivantes : moins de 5 mollusques/m2, de 5,1 à 10/m2, de 10,1 à 15/m2, de 15,1 à 20/met plus de 20 limnées/m2.

Les valeurs de chaque paramètre ont été exprimées en pourcentages en tenant compte de chaque catégorie. La comparaison des superficies ou des densités entre elles a été réalisée avec le test d’homogénéité du Chi2. Les analyses statistiques ont été effectuées en utilisant le logiciel Statview 5.0 (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA).

Résultats

1. Présence/absence d’Omphiscola glabra dans un site

Sur les 11.992 points d’eau prospectés dans les 361 fermes, la limnée a été trouvée dans 3.137 habitats se répartissant comme suit : i) 2.165 rigoles de drainage superficiel (sur 5.536 étudiées) situées dans les prairies marécageuses, ii) 195 sources temporaires ou permanentes, situées à flanc de colline (sur 1.454), iii) 134 fossés de drainage superficiel (sur 1.287) et iv) cinq zones piétinées par les bovins (sur 233). A l’extérieur des pâtures, la présence du mollusque a été notée aussi dans 498 fossés de route ou de chemin lorsqu’ils sont inondés sur une partie de l’année (sur 1.934 étudiés). Enfin, la limnée a été observée sur 53 berges de ruisseaux à courant lent (sur 727) comme sur les bords de 87 étangs (sur 233).

Tableau I. Distribution de 3.137 habitats colonisés par Omphiscola glabra sur les sols acides du Limousin par rapport à l’espèce de la plante indicatrice.

Type d’habitat (nombre total de sites)

Plante indicatrice

Nombre d’habitats (fréquence)

Rigoles de drainage superficiel (2.165)

Juncus acutiflorus

J. effusus

Les deux joncs

Lotus uliginosus

104 (4,8 %)

1.794 (82,8 %)

250 (11,5 %)

17 (0,7 %)

Fossés de route (498)

J. acutiflorus

J. effusus

Agrostis stolonifera

Glyceria fluitans

33 (6,6 %)

387 (77,7 %)

75 (15,0 %)

3 (0,6 %)

Sources dans les prairies (195)

J. acutiflorus

J. effusus

Les deux joncs

L. uliginosus

67 (34,3 %)

23 (11,7 %)

104 (53,3 %)

1 (0,5 %)

Fossés de drainage (134)

J. acutiflorus

J. effusus

L. uliginosus

21 (15,6 %)

106 (79,1 %)

7 (5,2 %)

Berges d’étang (53)

J. acutiflorus

J. effusus

G. fluitans

3 (5,6 %)

39 (73,5 %)

11 (20,7 %)

Berges de ruisseau (87)

J. effusus

Dactylis glomerata

G. fluitans

76 (87,3 %)

9 (10,3 %)

2 (2,2 %)

Zones piétinées (5)

J. effusus seul

Les deux joncs

2 (40,0 %)

3 (60,0 %)

Le tableau I montre la distribution des 3.137 sites colonisés par O. glabra sur sols acides par rapport à la présence d’une plante indicatrice. La plante la plus commune est J. effusus, soit isolé en touffes, soit avec J. acutiflorus. La première espèce a été trouvée dans 100 % des habitats situés dans les zones piétinées par les bovins, 94,3 % des rigoles de drainage, 87,3 % des berges de ruisseau, 79,1 % des fossés de drainage, 77,7 % des fossés de route, 73,5 % des berges d’étang et 65 % des sources. Juncus acutiflorus est la meilleure espèce indicatrice pour les habitats localisés autour des sources (87,6 %). Les quatre autres espèces ne caractérisent que quelques sites.

2. Superficie des habitats colonisés par la Limnée étroite

Tableau II. Distribution des sites fréquentés par Omphiscola glabra sur les sols acides du Limousin par rapport à leur superficie en mars-avril.

Plante indicatrice

(nombre total d’habitats)

Fréquence des habitats ( %)

< 2 m2

2,1-5 m2

5,1-10 m2

10,1-20 m2

> 20 m2

Juncus effusus (2.784)

12,8

29,6

45,5

10,0

1,8

J. acutiflorus (584)

28,2

28,7

37,1

5,3

0,3

Lotus uliginosus (25)

20,0

40,0

36,0

4,0

0

Glyceria fluitans (16)

25,0

43,7

25,0

6,2

0

Agrostis stolonifera (75)

14,6

32,0

48,0

5,3

0

Dactylis glomerata (9)

33,3

44,4

22,2

0

0

Total (3493)

545

1.038

1.538

318

54

Fréquence en %

15,6

29,7

44,0

9,1

1,5

Le tableau II montre la distribution de ces superficies par rapport au type d’habitat et à l’espèce de la plante indicatrice. Si l’on ne tient pas compte de la plante, on note que 44 % des sites ont une superficie comprise entre 5,1 et 10 m2, tandis que 29,7 % ont une aire allant de 2,1 à 5 m2. Les habitats dépassant 10 m2 sont nettement moins nombreux puisque que leur fréquence cumulée est de 10,6 %. L’examen des chiffres en fonction de la plante indicatrice montre une certaine variabilité. La superficie des gîtes s’étend jusqu’à 20 m2 et plus dans les sites identifiés avec l’un ou l’autre des joncs et le nombre d’habitats montre un pic dans la classe des 5,1-10 m2. Des superficies plus faibles ont été notées dans les sites avec les autres plantes et les pics se situent dans la classe des 5,1-10 m2 (sites avec Agrostis stolonifera) ou des 2,1-5 m2 (sites avec les trois autres espèces). L’examen des résultats fournis par le test d’homogénéité du Chi2 montre qu’il existe une différence significative (χ² = 114,44 ; p < 0,1 %) entre les superficies relevées dans les habitats caractérisés par A. stolonifera, J. acuti-florus ou J. effusus et les valeurs notées dans les sites avec l’une ou l’autre des trois autres espèces de plantes indicatrices.

Un examen plus détaillé des données par rapport au type d’habitat montre que la distribution des gîtes situés dans les rigoles et les fossés de drainage est similaire à celle rapportée ci-dessus pour l‘ensemble des sites. Par contre, on note une variabilité dans les valeurs pour les autres types d’habitats. Sur un total de 195 gîtes localisés dans les sources, 147 ne dépassent 2 m2 en superficie. Dans le cas des fossés de route, la superficie de 237 habitats (sur 498) se distribue entre 2,1 et 5 m2. Une remarque similaire peut être formulée pour les gîtes sur les berges de ruisseau et d’étang. Enfin, les habitats situés dans quatre zones piétinées (sur cinq) ont une superficie supérieure à 10 m2 (données non représentées).

3. Densité en mollusques transhivernants

Les valeurs sont fournies sur le tableau III pour chaque espèce de plante indicatrice. Si l’on ne tient pas compte de la plante, on constate que 46,6 % des habitats ont une densité comprise entre 5,1 et 10 adultes/m2. Les fréquences sont plus faibles dans les sites qui contiennent 10,1 à 15 adultes/m2 (21,7 % de l’ensemble des sites) ou moins de 5 limnées/m2 (22 %). Les densités supérieures à 15 individus/m2 ne concernent 9,5 % de l’ensemble des sites.

Tableau III. Distribution des habitats colonisés par Omphiscola glabra sur sols acides par rapport à leur densité en mollusques transhivernants en mars-avril.

Plante indicatrice

(nombre total d’habitats)

Fréquence des habitats ( %)

1-5/m2

5,1-10/m2

10,1-15/m2

15,1-20/m2

> 20/m2

Juncus effusus (2.784)

20,2

47,1

22,2

7,4

2,8

J. acutiflorus (584)

27,9

43,3

20,7

8,0

0

Lotus uliginosus (25)

32,0

40,0

24,0

4,0

0

Glyceria fluitans (16)

56,2

37,5

6,2

0

0

Agrostis stolonifera (75)

28,0

56,0

16,0

0

0

Dactylis glomerata (9)

33,3

55,5

11,1

0

0

Total (3493)

769

1.630

761

255

78

Fréquence en %

22,0

46,6

21,7

7,3

2,2

La densité en adultes transhivernants peut aller jusqu’à plus de 20 individus/m2 et le nombre d’habitats présente un pic dans la classe des 1-5 adultes/m2 (sites avec Glyceria fluitans) ou dans celle des 5,1-10 adultes/m2 (sites avec les autres espèces). Le test d’homogénéité du Chi2 montre que la densité des adultes transhivernants est significativement plus faible (χ² = 60,12 ; < 0,1 %) dans les sites avec G. fluitans que dans les habitats caractérisés par l’une ou l’autres des cinq autres espèces.

L’examen de ces chiffres par rapport au type d’habitat montre que la distribution des habitats dans les rigoles de drainage, les fossés de route et les berges de ruisseau est identique à celle décrite ci-dessus pour l’ensemble des divers sites. Par contre, des densités inférieures à 5 limnées/m2 ont été notées dans la plupart des habitats autour des sources (96/135), dans les fossés de drainage (96/195) et sur les berges d’étang (44/53). Dans les zones piétinées, les densités sont inférieures à 5 mollusques/m2 (données non représentées).

Discussion

Les fréquences élevées (de 65 à 100 %), que l’on note pour les sept types d’habitats avec J. effusus, montrent que cette espèce est un bon indicateur pour les habitats situés dans les prairies ou leurs environs immédiats sur les sols acides du Limousin. Sa présence auprès d’un point d’eau permet souvent de trouver O. glabra. Cependant, comme J. effusus est souvent associé avec J. acutiflorus dans les prairies, ce jonc ne peut pas être proposé comme la plante indicatrice standard pour rechercher la limnée sur les zones acides dans les autres pays de l’Europe de l’Ouest. Parmi les quatre autres plantes, seuls J. acutiflorus (sources) et G. fluitans (berges d’étang) sont représentatifs mais leur rôle comme plante indicatrice est limité à un seul type d’habitat. Autour des sources, la dominance de J. acutiflorus sur J. effusus et L. uliginosus peut facilement s’expliquer par i) les plus grandes exigences de ces dernières espèces vis-à-vis des conditions d’humidité dans le sol (Botineau, 1985 ; Crowley et al., 2003), ii) la nécessité d’avoir des sols tassés pour que le Jonc épars et le lotier prolifèrent (Brugel et al., 2001), et iii) le fait que la plupart des sources sur ces sols acides sont localisées dans la zone mésophile des prairies (Rondelaud et al., 2009). Dans les fossés de route comme sur les berges de ruisseau ou d’étang, la présence de J. effusus indique l’existence de conditions pour le développement d’une population d’O. glabra.

La superficie des habitats colonisés par O. glabra est plus grande dans le cas des sites identifiés avec l’un ou l’autre des joncs. Par contre, des valeurs plus faibles ont été notées dans le cas des habitats détectés avec les autres plantes indicatrices. Cette différence peut s’expliquer par les caractéristiques propres de chaque type d’habitat que la limnée colonise. En effet, les superficies les plus importantes relevées dans les sites avec les joncs l’ont été dans des rigoles de drainage superficiel. Les valeurs relevées pour O. glabra ont, de plus, été comparées avec celles que Rondelaud et al. (2011) ont rapportées pour des habitats à G. truncatula situés dans les mêmes fermes et prospectés au cours de la même période. Dans les fermes que Rondelaud et al. (2011) ont prospectées, la superficie des habitats colonisés par G. truncatula en fonction de leur type varie de 1 à 2 m2 dans 42,6 à 50,4 % des cas et de 2,1 à 3 m2 dans 17,1 à 25,6 %. Comme les superficies relevées pour O. glabra vont de 2,1 à 5 m2 dans 29,7 % des cas et de 5,1 à 10 m2 dans 44 % (Tableau II), ces valeurs sont nettement plus élevées que celles trouvées pour G. truncatula. Pour expliquer cette différence entre les deux limnées, on peut émettre l’hypothèse que G. truncatula ne supporterait pas la présence d’une autre espèce de limnée dans son environnement (Økland, 1990). Deux arguments appuient cette hypothèse : i) la forte compétition entre les deux espèces pour l’acquisition de la nourriture (Dreyfuss et al., 2006), et ii) la concurrence que l’on peut observer lors de la recolonisation par ces limnées de rigoles situées plus en amont au cours des mois d’hiver (Rondelaud et al., 2005a, b). Lorsque les deux espèces vivent dans le même type d’habitat, la concurrence se traduit par une réduction dans la superficie des habitats colonisés par G. truncatula, tandis que les zones avec O. glabra ne sont pas affectées par ce processus.

Si l’on fait exception des sites avec G. fluitans où le nombre d’habitats présente un pic dans la classe des 1-5 adultes/m2, les cinq autres types d’habitats montrent tous des pics dans la classe des 5,1 à 10 adultes/m2. Trois explications peuvent être proposées pour interpréter cette différence : i) un nombre trop faible d’habitats (16 seulement) dans le cas de sites identifiés avec G. fluitans, ii) les caractéristiques propres des milieux dans lequel cette espèce se développe, car la plante n’a été observée que dans trois types d’habitats (fossés de route, berges de ruisseau ou d’étang : Tableau I), et iii) les conditions pour le développement d’une population de limnées dans un habitat avec G. fluitans seraient peu favorables. Un argument supportant cette hypothèse est le faible nombre de mollusques adultes transhivernants (< 10/m2) observés dans 77,1 % des habitats colonisés par G. truncatula (soit 256/357 sites) lorsque cette plante pousse (Rondelaud et al., 2011). La comparaison des densités notées pour O. glabra avec celles rapportées par ces derniers auteurs pour G. truncatula dans les mêmes types d’habitats sur sols acides et sur la même période d’investigations montre que les effectifs en Limnées tronquées adultes de la génération transhivernante sont nettement plus élevés que ceux d’O. glabra : de 25 à 40 G. truncatula/m2 dans des habitats mesurant 1 à 2 m2 en superficie, par exemple, au lieu de 1 à 5 O. glabra/m2 dans des sites mesurant moins de 2 m2. Cette différence ne peut s’expliquer que par les caractéristiques propres du développement pour chaque espèce car la Limnée tronquée est une espèce amphibie (Taylor, 1965) alors que la Limnée étroite est plus aquatique, même si elle peut s’émerger temporairement au printemps (Vignoles et al., 2016).

En conclusion, les populations d’O. glabra sur les sols acides du Limousin peuvent être détectées par une méthode en deux temps, qui associe l’identification des zones hydrographiques et l’emploi d’une ou de plusieurs plantes indicatrices (J. effusus le plus souvent). Cependant, cette méthode ne peut pas être généralisée à d’autres pays sur sols acides car la conformation des prairies et la gestion des pâturages varient selon les régions d’élevage et le type de ruminants. Des essais sur d’autres secteurs français (Ardennes, Monts d’Arrée, …) sont donc encore nécessaires pour déterminer s’il n’existe pas des limites avant que cette technique ne soit appliquée sur le terrain.