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Le populisme, une fois encore ! Faut-il vraiment le justifier ? Ce thème d’une actualité politique aussi persistante que pressante est devenu aussi, une chose entraînant l’autre, un thème récurrent des approches linguistiques et sémiotiques de la politique. Cela nous semble plutôt bon signe pour des disciplines traditionnellement à l’écart des problèmes de société.

Un dossier sur les « Langages de la politique » dirigé par Gianfranco Marrone vient de paraître dans la Rivista Italiana di Filosofia del Linguaggio (13, 2, 2019) : une contribution sur deux y a trait au populisme. Proportion équivalente dans « Discursos políticos na contemporaneidade », numéro spécial conçu par Alexandre M. Bueno pour la revue brésilienne Estudos Semióticos (15, 1, 2019). De même en ce qui concerne « Formes sémiotiques de l’expression politique », édité par Juan Alonso et Denis Bertrand dans Carte Semiotiche Annali (6, 2019). Un an plus tôt paraissait ici même un dossier entièrement consacré à l’étude des rapports qui, selon nous, lient « Populisme et esthésie » (Actes Sémiotiques, 121, 2018).

Les six études qui suivent s’inscrivent donc dans le prolongement d’une réflexion déjà plus qu’amorcée. Mais par rapport au dossier de 2018, l’objectif s’est élargi et est devenu plus ambitieux. Au lieu de privilégier les rapports sensibles en tant que facteur explicatif du phénomène, l’objectif est cette fois de les intégrer parmi la pluralité des dimensions sémiotiques sous-jacentes aux discours et aux pratiques du populisme, et, autant que possible, de rendre compte de leurs imbrications.

Les articles composant la première partie, Conditions énonciatives de la posture populiste, traitent tour à tour des dimensions épistémologique et sémio-logique (J. Fontanille), mythique (R. Gonsalez et M. Serra) et véridictoire (A. Di Caterino) de discours qui, assumant ou non l’étiquette de « populiste », s’affichent comme énoncés « au nom du peuple » — cela dans deux pays, l’Espagne et la France, où la contamination reste encore, pour ainsi dire, « sous contrôle ». La seconde partie, Figures gouvernementales du populisme au pouvoir, est consacrée à l’analyse des dimensions idéologiques et interactionnelles (C. Addis), passionnelles et émotionnelles (Y. Fechine) et esthésiques (P. Demuru et F. Sedda) des stratégies de mise en scène médiatique propres aux dirigeants populistes en place au Brésil et en Italie, usagers plus retors les uns que les autres des « talk show » télévisés et, bien sûr, des plateformes numériques.

Indépendamment de la diversité des angles d’attaque, l’ensemble procède d’un acte de foi partagé : face aux politiques obscurantistes auxquelles les forces du grand capital recourent désormais pour assurer leur domination, la quête sémiotique du sens a plus que jamais sa raison d’être et, espérons-le, un sens.

 

Eric Landowski