JEAN-CLAUDE COQUET, Phusis et Logos, Une phénomenologie du Langage, collection « la Philosophie hors de soi » dirigée par Bruno Clément, Presses Universitaires de Vincennes, 2007, 283 pages

Ivan DARRAULT-HARRIS

CeReS, Université de Limoges

Index

Articles du même auteur parus dans les Actes Sémiotiques

Auteurs cités : ARISTOTE, Émile BENVENISTE, Edmund HUSSERL, Maurice MERLEAU-PONTY, Hendrik J. Pos

Texte intégral

Note de bas de page 1 :

 Cette première partie a fait l’objet d’une traduction et d’une publication : Jean-Claude Coquet, Le istanze enuncianti, Fenomenologia e semiotica, a cura di Paolo Fabbri, Bruno Mondadori, 2008, 140 pages. Ont été ajoutés à la publication italienne les chapitre suivants de La Quête du sens : « Temporalité et phénoménologie du langage », « Temps ou aspect ? Le problème du devenir », « Sémiotique et histoire ».

Contrairement au volume précédent, La Quête du sens (PUF, 1997), qui rassemblait à la suite d’un avant-propos une série d’articles publiés entre 1985 et 1991, le présent ouvrage est constitué de deux parties bien distinctes. Si la seconde (intitulée « Points de vue sur la phénoménologie du langage ») est faite de quatorze articles ou chapitres parus entre 1995 et 2005, et a pour fonction l’illustration de la première partie1, celle-ci, de cent huit pages – sous le titre « Les instances énonçantes » - est inédite.

Les lecteurs de Jean-Claude Coquet attendaient un livre, habitués qu’ils sont au rythme quasi décennal de publication de l’auteur (Sémiotique littéraire, 1973 ; Le Discours et son sujet, I et II, 1984-85 ; La Quête du sens, 1997), publications synthétiques nourries de nombreuses et régulières parutions mêlant textes théoriques et analyses concrètes.

Note de bas de page 2 :

 Quatrième de couverture.

En ces temps où « … la pensée dominante privilégie la part du logos et méconnaît celle de la phusis »2, le titre même de l’ouvrage reste provocateur et affiche la position épistémologique de l’auteur, phénoménologique, dans la ligne de Merleau-Ponty et Benveniste, les deux sources théoriques majeures que revendique et tresse de longue date Jean-Claude Coquet.

Note de bas de page 3 :

Quatrième de couverture, ibidem.

Voici donc, de nouveau, que se détache au sein des livraisons de l’École sémiotique de Paris, la voix si originale de notre auteur, si audacieuse aussi quand elle continue, inlassablement, de poser cette question première : « Est-ce que le langage peut s’ouvrir à la réalité donnée où nous habitons ? »3

Note de bas de page 4 :

Avant-propos, p. 5.

Si cet ouvrage très dense se présente donc distribué entre une première partie synthétique et une seconde, analytique, le lecteur de l’avant-propos aura immédiatement accès à une première et précieuse synthèse de l’entreprise. Car il s’agit bien de « …mettre (ou [de] remettre en débat cette opinion commune : lieu des représentations mentales, le langage traduit la pensée et permet la communication. »4 Notons que Coquet juge son argumentation à l’encontre de cette thèse différente et non contradictoire. Voire. Mais différons quelque peu notre opinion sur ce point.

Deux univers apparaissent : l’un, celui de la pensée et de son support, le logos ; l’autre, celui de la phusis, de la nature. Il est exclu, donc, dans la perspective de la phénoménologie du langage, d’éliminer ce dernier pour ne retenir que le premier : la question centrale est bien celle de l’articulation entre les deux univers, de la traduction, dit encore Coquet, de la phusis dans le logos.

Note de bas de page 5 :

 Avant-propos, idem, p. 6.

La distinction de ces deux univers à mettre nécessairement en relation amène tout naturellement à poser des instances appartenant en propre à ces territoires distincts : il faut « …dissocier l’instance qui perçoit de celle qui pense. L’une corporelle, mue par la passion […] établit son rapport au monde, c’est le temps de la prise sur l’univers sensible ; l’autre, judicative (elle fait connaître son jugement), établit le compte rendu de son expérience, c’est le temps de la reprise. »5

Reprenant la distinction entre la langue (dont l’examen des structures peut relever du principe d’immanence) et le langage (dont l’analyse exige le recours au principe de réalité), Coquet, s’éloignant de la question : comment se dit l’être ?, pose la question philosophique pour lui majeure : comment l’être se dit-il ?

La réponse, encore une fois (cf. l’instance corporelle), est fournie par le statut du corps, qui est capable d’énoncer sa relation au monde : ici se dessine la notion centrale d’instance énonçante. Du côté de l’instance judicative, qui reprend donc la première prise avec le monde, nous trouverons une « personne » qui s’énonce comme je,  convoquant là le plan de la langue.

Où l’on constate que l’activité linguistique, le logos, traduit de fait la réalité, ou, pour reprendre l’heureuse formulation de Benveniste, la re-produit. Bien loin d’isoler comme seul objet d’investigation possible le logos, le linguiste adoptant le point de vue phénoménologique reliera continûment  langage (à la condition qu’on le considère constitué de phusis et logos), monde et être.

Note de bas de page 6 :

 Idem, p. 8 .

Ainsi, la conception même de ce continuum amènera à privilégier, dans l’examen de la langue, ce que Coquet appelle les prédicats de réalité ou encore les prédicats somatiques (qui expriment la relation première corps/monde, le sensible) « … qui notent la perception, la durée d’un phénomène, son apparition ou sa disparition, ou le contact, en particulier la position dans l’espace, la proximité ou l’éloignement, ou le degré d’un affect, etc. »6

Note de bas de page 7 :

 Idem, p. 11.

Note de bas de page 8 :

 Ibidem.

Et la conclusion de l’avant-propos insiste à juste titre sur le processus de projection, « … l’une des pièces essentielles de la sémiotique des instances. »7 La projection implique en effet l’articulation entre phusis et logos et, surtout, « …le partage entre autonomie et hétéronomie. »8

Note de bas de page 9 :

 Idem, p. 12.

Faisant référence à l’analyse que Merleau-Ponty a pu faire, en sa présence, d’un roman de C. Simon, Coquet rappelle que l’auteur d’une œuvre littéraire n’est que le résultat d’une projection qui, s’énonçant, donne expression ou non à l’univers de la phusis. Un narrateur peut être alors lui-même projeté qui engendre à son tour des personnages, etc. On saisit ici l’en-marche du processus d’objectivation qui, reçu par l’auditeur ou le lecteur, doit déclencher en retour un processus de re-constitution, pour remonter à l’origine du processus génératif. Or il est à noter que « … les processus objectivants conduisent peu à peu, irréversiblement, au rejet de l’expérience sensible pour ne retenir que l’expérience de pensée dont le tiers transcendant est le maître en régime d’hétéronomie. »9 Il n’est donc pas exclu que tel régime de discours (à ambition objectale) ne donne finalement place qu’au logos, substituant au couple énoncer/s’énoncer (qui articulait, on l’a vu, phusis et logos) le couple raconter/se raconter.

L’essentiel est donc ici d’emblée livré au lecteur, certes dans une forme redoutablement synthétique.

La première partie permettra de revenir, de manière très détaillée, sur la généalogie de la position phénoménologique et ses concepts fondamentaux. La seconde laissera toute sa place à l’analyse et la démonstration, dans la confirmation des origines et la confrontation avec les discours-occurrences.

Note de bas de page 10 :

 M. Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, 1960, p. 106, cité par Coquet, Phusis et Logos, p. 22.

Pour la première fois, en tout cas de manière aussi exigeante et minutieuse, Coquet, d’Aristote à Merleau-Ponty et Benveniste, retrouve et souligne le fil rouge d’une réflexion qui associe philosophes, logiciens et linguistes dans la tentative d’approcher la problématique interface phusis/logos. On relèvera, entre autres découvertes, l’importance confirmée d’un participant du Cercle de linguistique de Prague, Hendrik J. Pos, lequel se fait l’écho des apports du « second » Husserl renonçant au formalisme. Et Coquet de citer Merleau-Ponty qui reconnaît les mérites de Pos « … définissant la « phénoménologie du langage, non comme un effort pour replacer les langues existantes dans le cadre d’une eidétique de tout langage possible, c’est-à-dire pour les objectiver devant une conscience constituante universelle et intemporelle, mais comme un retour au sujet parlant, à mon contact avec la langue que je parle. »10

Cette généalogie fermement dessinée amène notre auteur à revenir, sur nouveaux frais, sur une distinction (centrale dès Le Discours et son Sujet, 1984) qui fondera sa typologie des instances énonçantes, celle discriminant les opérations d’assertion et d’assomption.

Note de bas de page 11 :

 Aristote, Métaphysique, livre Gamma, 1005b, 25-26, cité par Coquet, idem., p. 33.

C’est donc l’opposition prédication/assertion qui apparaît comme fondatrice de la typologie de l’actant sujet. Coquet part ici de Benveniste, qui reconnaît la double dimension de l’acte d’énonciation, mais, on le verra immédiatement, en le dépassant. De plus, il retrouve chez Aristote, bien en amont des propositions, déjà, de Port-Royal, une remarquable et prophétique notation : « Il n’est pas nécessaire que ce que quelqu’un dit, il le soutienne aussi. »11 Coquet dissocie en effet les deux opérations en faisant de la seule prédication la caractéristique du non-sujet (notion que Benveniste n’a pas pu oser) et, au contraire, du couple  prédication/assertion (qui dit ego et qui se dit ego) le trait définitoire du sujet. Reprenant la terminologie du grammairien L. Tesnière, Coquet distingue donc le prime actant (sujet et non-sujet), le second actant (objet) et le tiers actant (destinateur).

Note de bas de page 12 :

 Le comox, cité par Claude Hagège, est parlé en Colombie britannique et possède un jeu de suffixes du radical verbal indiquant le degré de responsabilité de l’agent.

Note de bas de page 13 :

 Le toba, parlé surtout dans les faubourgs de la ville de Rosario (Argentine), possède un paradigme de pronoms sujets correspondant, mutatis mutandis, aux instances énonçantes.

Nous n’avons pas cette chance d’utiliser le comox12 ou le toba13, langues amérindiennes où la morphologie note le degré d’assomption, de responsabilité de l’agent quant à son acte. Et l’indice formel je est redoutablement polysémique dans sa capacité à renvoyer à des instances énonçantes pourtant bien distinctes.

Note de bas de page 14 :

 J-C. Coquet, Phusis et logos, idem, p. 145.

Désireux de découvrir « le jeu des instances et des pronoms personnels dans l’analyse du discours » (titre du troisième texte de la seconde partie), le lecteur, grâce à de nombreux exemples littéraires, sera convaincu de la « plasticité des indicateurs formels »14 et donc de la nécessité de dépasser les effets d’homonymie superficielle : le je de « je vois le ciel » n’est pas le je de« Je comprends le livre », par exemple. D’où la désambiguïsation que peuvent apporter les noms métalinguistiques proposés : le premier je recevra le nom métalinguistique de On ; le second de Je. Quant aux instances manifestées dans ces deux cas, c’est bien du non-sujet qu’il s’agit dans la perception du ciel, et du sujet dans l’acte de compréhension du livre.

L’histoire que raconte Freud de la baronne parturiente (« Du rôle des instances », p. 220) permettra d’ajouter les pièces manquantes au système des instances et des actants en jeu dans la production du discours. Ce petit chapitre a de plus le mérite d’aborder clairement les rapports entre la sémiotique des instances et la psychanalyse.

Résumons ce petit récit : Le médecin accoucheur joue aux cartes avec le mari de la baronne parturiente, en attendant que le moment soit venu d’intervenir. Celle-ci, en français, s’écrie : « Ah ! Mon Dieu, que je souffre ! » Le médecin reste calme, signifiant au mari que le moment n’est pas encore venu. La baronne s’exprime un peu plus tard en allemand : « Was für Schmerzen ! » (Dieu, quelle souffrance !). Le médecin ne se départit toujours pas de son calme, poursuivant la partie de cartes avec le mari. On entend alors un cri inarticulé en yiddish : « Ai, ai, waih ! ». Le médecin jette ses cartes  et dit : « C’est le moment ! ».

Coquet commente : « L’appel en français est le fait de quelqu’un qui conserve encore le contrôle de la situation ; le gémissement en allemand témoigne d’un affaiblissement de la maîtrise et le cri, de sa perte. » (p. 221). En d’autres mots, l’énonciation en français est à rapporter à l’instance sujet, le cri à l’instance non-sujet, et l’énonciation en allemand à une instance intermédiaire, « en voie de dépersonnalisation, un « quasi-sujet » (ibidem).

Reste à s’interroger sur le statut autonome ou hétéronome de ces actants à l’origine du discours. S’exprimant dans un premier temps en français, langue culturelle que lui impose un « tiers institutionnel et transcendant » - la Société – nous rencontrons un sujet hétéronome. C’est en revanche un tiers immanent, producteur d’un ressenti de souffrance, qui transforme le sujet en non-sujet hétéronome. Coquet conclut : « Grâce à l’enfantement, à cette force biologique qui agit en elle, dans sa chair, la femme conserve ce privilège de ne pas rompre le contact avec le monde « primitif » (ibidem).

Le corpus convoqué par Coquet étant essentiellement, mais pas uniquement, littéraire, nous pensons important de citer, pour finir, deux analyses marquantes qui montrent la démarche méthodologique la plus concrète de repérage des prédicats somatiques du texte, lesquels renvoient à la prise sur le monde, médiateurs aussi, ensuite, de la reprise vers et par le logos. Et l’on ne sera pas surpris que ces deux exemples littéraires sont extrêmement distants, dans le temps, puisqu’il s’agit de Virgile et de Ludovic Janvier, notre contemporain, deux auteurs confrontés l’un et l’autre au même défi de l’écriture, à la nécessité et la difficulté de dire le sensible, la phusis, l’expérience corporelle, perceptive du monde.

Virgile décrit (ou plutôt suscite, ressuscite) la rencontre entre Venus et Énée, la mère et le fils ( Énéide, livre I, vers 402-405) :

Note de bas de page 15 :

 J. Perret traduit : « …comme elle se détournait, une lumière, autour de sa nuque de roses, resplendit ; de sa tête, les cheveux parfumés d’ambroisie exhalèrent une odeur divine ; jusqu’à ses pieds les plis de la robe descendirent et vraie déesse, à sa démarche, elle apparut », Énéide, I, v.402-405, Les Belles Lettres , 2002 (citation de Coquet, p. 77).

…et avertens rosea cervice refulsit
Ambrosiaeque comae divinum vertice odorem

Spiravere ; pedes vestis defluxit ad imos
Et vera incessu patuit dea…
15

Ce qui est donné ici c’est l’expérience charnelle d’une présence qui n’est pas encore totalement révélée comme étant, consciemment, celle de sa mère la déesse. Elle n’est qu’une présence en mouvement, lumineuse, colorée, parfumée, fluente… Cette démarche (incessu) riche d’effets synesthésiques constitue une expérience syncrétique pour l’instant inanalysable : Enée ne peut qu’emplir ses sens (vision mouvante, odorat, le toucher lui est refusé) d’une présence féminine et divine ; le recours à une instance judicative, instance postérieure, permettra la reconnaissance, acte cognitif: car le texte continue ainsi : « ...patuit dea. Ille ubi matrem/Cognovit… ». Et Coquet note à juste titre que la métrique peut signifier – en un hiatus - la proximité (dea.Ille), prédicat somatique de prédilection.

Note de bas de page 16 :

 J-C Coquet, Phusis et logos, idem, p. 56.

Il vaut la peine de suivre l’analyse détaillée que donne Coquet de cet extrait de l’Énéide (pp. 52-53), lequel confère toute sa place à l’apparaître sensible, phénomène qui atteint d’abord l’instance non-sujet, instance qui informe en un second temps l’instance judicative (lui communiquant les propriétés du corps) capable d’identification de cette silhouette en mouvement, insaisissable, identification encore toute chargée de cette « merveilleuse épiphanie ».16

Coquet passe tout naturellement de Virgile à L. Janvier, qui fait justement un hommage jugé « virgilien » du peintre Bonnard (Bientôt le soleil, Flohic, 1998).

Lecteur, nous sommes conviés à re-vivre des expériences charnelles « ...de proximité et d’immédiateté » grâce à un texte qui re-produit, et non pas simplement, représente et décrit la réalité visible :

L’autre jour, je descends vers la mer en passant par mon chemin creux, entre mes haies façon bocage, la tête aux noisetiers, aux prunelles, aux ronces, aux buis, tout ça presque noir pour cause d’ombre, à peine éclairé par le chemin pâle envahi de marne. À part un frôlement d’ébène de corneille au-dessus de moi… […] Rien à voir, peut-être mais les odeurs, les odeurs ! (p.17)

Ce texte remarquable, on le voit, fait violence à la syntaxe du logos (la tête aux noisetiers, un frôlement d’ébène de corneille) pour mieux ménager la force de l’expérience corporelle : une traduction excessive, allant jusqu’à la représentation, romprait le lien tenu, subtil avec la phusis… La vision, encore trop du côté du sujet observateur, cède le pas à l’odeur, perception primitive attachée au non-sujet.

Note de bas de page 17 :

 N. Sarraute, Enfance, Folio, Gallimard, 1983, pp. 66-67.

Nathalie Sarraute, exemple que nous nous permettons d’ajouter, tente d’énoncer une expérience exceptionnelle17 du même ordre, qui lui est arrivée, enfant, dans le jardin du Luxembourg alors qu’elle venait d’écouter, probablement instance sujet, le raconté, le pur logos, d’une fiction : un conte d’Andersen. Elle regarde (la vision appartient toujours à l’instance sujet) les espaliers le long d’un petit mur de briques roses, les arbres fleuris, la pelouse piquée de pâquerettes, le ciel bleu… Et tout soudain (indice annonçant le basculement dans une autre instance) une sensation d’une extrême violence, unique, l’envahit, la déborde (tiers actant immanent), tant et si bien qu’elle est toujours, si longtemps après, intraduisible en termes de logos : « bonheur », « félicité », « exaltation », « extase » sont tour à tour rejetés pour ne retenir que « joie », petit mot modeste et de toute façon inadapté à dire l’émotion, l’expérience du non-sujet qui ne regarde plus les choses du monde, qui ne perçoit même plus les couleurs, la lumière mais est « … dans cela, dans le petit mur rose, les fleurs des espaliers, des arbres, la pelouse, l’air qui vibre…[elle est] en eux sans rien de plus, rien qui ne soit à eux, rien à moi. » La proximité est devenue fusion, proche peut-être de l’éprouvé de l’extase mystique.

Le lecteur découvrira, parcourant éventuellement « à sauts et à gambades » (Montaigne) Phusis et Logos, passant de tel développement théorique de la première partie à telle analyse de la seconde, qu’une lecture non linéaire du livre est tout à fait praticable. Car l’isotopie formée par le couple Phusis/Logos (« basse continue » du livre) est constamment présente, car les concepts reviennent se présenter au lecteur dans des configurations, des perspectives variées tout à fait comparables à ces personnages de La Comédie humaine rencontrés à des distances variables, depuis l’entrevu jusqu’au dévisagé. Et l’effet démonstratif et didactique y est des plus efficaces.

De là notre compte rendu qui se déculpabilise d’avoir opéré d’inévitables choix, sensible que nous avons été à la présence et l’intensité d’une présentation conceptuelle, d’une démonstration fulgurante dans le contact avec et l’entrée dans les textes.  Ainsi avons-nous choisi de guider le lecteur selon un itinéraire qui va de l’indispensable avant-propos au dernier chapitre « Corps écrit », en passant par deux textes essentiels, à nos yeux, de la première partie (Le sujet : deux opérations distinctes, l’assertion et l’assomption ; Le rapport du langage à l’être), et trois textes de la seconde partie, puisés dans chacune des sous-parties, qui ouvrent sur la méthodologie d’analyse du discours : Le jeu des instances et des pronoms personnels dans l’analyse du discours ; Du rôle des instances ; Corps écrit.

Bien d’autres itinéraires sont possibles et sans doute souhaitables, selon les curiosités, les intérêts du lecteur. Sans oublier le recours aux analyses concrètes très complémentaires (on songe, par exemple, à celle du Loup et l’agneau) ou aux développements théoriques (le chapitre sur le temps) que contient le volume précédent : La Quête du sens, PUF, 1997.

Note de bas de page 18 :

 M. Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible, Gallimard, 1964, p. 324.

Les dernières lignes de l’ouvrage de J.-C. Coquet seront aussi de parfaites ultimes lignes de ce compte rendu si partiel d’un ouvrage à explorer, donc, en tous sens: « Il y a entre nous et le monde, entre notre corps « dressé debout devant le monde et le monde debout devant lui », entre la ús et le ós un rapport d’embrassement, disait Merleau-Ponty.18