Depuis 10 Millions d’années, les volcans et le creusement des vallées

Le Massif central d’aujourd’hui est creusé de vallées profondes, escarpées et récentes. Celle du Tarn en amont de Millau (Gorges du Tarn) est la plus célèbre, mais chacun connaît celle de l’Aveyron, du Lot ou plus près de nous celles de la Corrèze, de la Vézère et même de la Creuse dans une région qui est pourtant moins élevée en altitude. De quelle époque datent ces vallées et pourquoi sont-elles si marquées au point de couper les pays et de rendre les communications malaisées ? Le Massif central est aussi une « Terre de volcans » (Cantal, Monts Dores, Chaîne des Puys etc.)  qui ont profondément modifié les reliefs hérités des périodes antérieures.

Un aspect de la vallée de la Creuse dont les méandres se sont enfoncés dans le socle métamorphique à cause de la surrection générale due au soulèvement des Alpes et des Pyrénées (Ceaulmont, Indre). Cl HB. Pour les mêmes raisons, la moyenne vallée de la Cère (Corrèze, Cantal) vue depuis le rocher du peintre à Camps est aussi profondément encaissée dans les socle métamorphique. Cl HB.


Pour comprendre ce qui s’est passé, reprenons toute l’histoire. – On se rappelle (voir plus haut « la formation du bassin de Brive »), qu’au début de l’ère secondaire il y a deux cents millions d’années, le Massif central était recouvert par la mer. – Beaucoup plus tard, il y a 60 millions d’années (au début du Tertiaire), des sols qui ont des couleurs vives et spectaculaires allant du marron au jaune ou au rouge brique (sidérolithique) se forment sous un climat tropical notamment en Auvergne. Leur présence prouve qu’à cette époque la région était émergée. – Aujourd’hui en Limousin le socle granitique du plateau de Millevaches est à 800 mètres, Limoges à 300 mètres, les terrains sédimentaires de la fin de l’ère primaire dans la région de Brive à 100 mètres d’altitude. – Plus à l’est en Auvergne, en Ardèche ou dans les Cévennes l’altitude du socle du Massif central peut atteindre jusqu’à 1700 mètres. De plus, les altitudes de la base de certaines coulées volcaniques récentes (celles qui ont 10 Ma et moins) sont à 1400 mètres d’altitude en Ardèche, à proximité des Alpes tandis que dans le Cantal ou en Corrèze (au Puy du Verdier près de Sérandon), elles sont à un peu moins de 700 mètres.En résumé, le toit du socle du Massif central sur lequel se sont épanchés les produits volcaniques, est comme un plateau de table (la pénéplaine visible sur la photo ci-dessous) qui serait plus élevé au sud –est (Cévennes) qu’au nord-ouest (Marche Limousine, photo de la Creuse ci-dessus).


Coupe géologique schématique du Massif central tel qu’il se présente à l’heure actuelle. On remarquera l’abondance du volcanisme par rapport à la coupe précédente et l’importance des reliefs : le socle -qui affleure sous les volcans- a été porté à une altitude de 500 à 1500 mètres selon les endroits. Réalisation C. Lansigut Geologis.

Ce soulèvement est général mais plus marqué à l’est et au sud qu’à l’ouest et au nord. Il est la conséquence de la formation des Pyrénées d’abord puis des Alpes (on dit l’orogenèse alpine). Comme ce soulèvement a été important et rapide, il a provoqué de nombreuses cassures dans le socle métamorphique et granitique qui furent autant de conduits pour un volcanisme abondant qui depuis dix millions d’années, s’est largement développé en Auvergne, en Ardèche ou en Aubrac (…) même s’il ne fait qu’effleurer le Limousin sur son flanc est.

A la fin de l’ère primaire, la région était entièrement aplanie et au niveau de la mer (voire en dessous!) ; c’est la pénéplaine. A la fin de l’ère tertiaire, cette pénéplaine (le Massif central moins les volcans) se soulève et les rivières qui y coulent s’enfoncent profondément dans le socle métamorphique et granitique.
Ici la Dordogne vue depuis le site de Saint Nazaire (près de Bortèles-orgues Corrèze). Cl HB

 Ce soulèvement a provoqué aussi une impressionnante reprise de l’érosion : des rivières qui serpentaient au milieu de l’ère tertiaire (30 Ma environ) dans des plaines proches du niveau de la mer se sont retrouvées en peu de temps « perchées » à plusieurs centaines de mètres d’altitude. Elles ont donc creusé et érodé fortement pour rattraper le dénivelé en s’encaissant sur place avec leurs méandres. En Corrèze, la surface de la pénéplaine qui était auparavant (jusqu’au début du Tertiaire) au niveau de la mer domine aujourd’hui de plus de 300 mètres la Dordogne, de Bort-Les-Orgues à Argentat. Par endroits, les pentes sont si escarpées que les versants des vallées servent d’école d’escalade (Eymoutiers, 87). 

La coulée phonolitique tertiaire (5Ma) de Bort-Les-Orgues repose directement sur des gneiss qui se sont formés à l’ère primaire (400 Ma). La vallée depuis laquelle est prise la photographie est plus récente que les phonolites puisqu’elle les entaille ; son âge est donc inférieur à 5 Ma. cl. HB.

Au Quaternaire, depuis 2 Millions d’années, le refroidissement général a amené les glaciers polaires à recouvrir le nord de l’Europe jusqu’à la latitude de Lille et à s’installer dans les zones montagneuses plus méridionales : Alpes, Pyrénées, volcans du Massif central (du moins ceux qui existaient à l’époque comme le Cantal et les Monts Dore : une grande partie de la Chaîne des Puys s’est formée après la dernière glaciation). L’épaisseur de ces glaciers a atteint plusieurs centaines de mètres et l’on peut observer dans le Massif du Cantal ou dans celui des Monts Dores de belles et larges vallées glaciaires. 

Les vallées glaciaires (à gauche la Maronne, à droite haute vallée de la Cère, affluents de la Dordogne), enfoncées dans le grand volcan tertiaire du Cantal
sont plus larges à l’amont qu’à l’aval car elles ont été creusées par des glaciers qui n’occupaient que les zones les plus élevées en altitude.
La photographie de la vallée de la Cère est située à l’amont de celle du haut de cette page (
moyenne vallée de la Cère). Cl HB.

Les périodes de réchauffement (dites interglaciaires) qui sont intervenues à plusieurs reprises au cours du Quaternaire ont provoqué leur fonte rapide provoquant ce que l’on appelle une débâcle.

Ces galets de la Dordogne à Argentat donnent une idée par leur taille et leur masse (une à deux tonnes pour les plus gros) de la force du courant de cette rivière lors des débâcles glaciaires. La dernière a eu lieu il y a un peu plus de 12 000 ans, soit cinq mille ans après Lascaux. Cl HB.

Les quantités d’eau qui ont été alors libérées ont fortement contribué au creusement des vallées que nous observons et au transport des galets de la Dordogne (de plus de 300 kilos) qui sont présentés sur la photo ci-dessous et dont deux exemplaires ont été transportés au Musée. La dernière débâcle glaciaire a eu lieu il y a 12 000 ans, c’est à dire à une époque où la grotte de Lascaux était déjà peinte et où le Puy de Dôme n’existait pas encore…

Plusieurs volcans de la Chaîne des Puys, à quelques kilomètres seulement de notre région Limousin,
n’existaient pas à l’époque de la grotte de Lascaux (- 17000 ans) et n’ont pas connu la dernière glaciation (- 12000 ans).