Récits des TVL

COUNTRY MUSIC 2006-05-08


Pourquoi ? Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi tu n'es pas allé plus loin ? Je reconnais que je me pose parfois des questions pour essayer de progresser en apprenant. Et parfois je me pose tout simplement.

Quand l'oxygène se raréfie, le cerveau est moins alimenté.

N'ayez crainte, je ne suis monté qu'à 2100 mètres. La vue des lointains brumeux, la recherche de points de repères : tout cela n'est qu'un jeu. Tu montes, tu descends, tu te fais secouer, tu essayes de contrôler de décider, d'analyser. Trop de choses à faire à la fois pour avoir le temps de contempler tranquillement au plafond. Ou alors seulement au frais à la base du nuage. Quête de cap et trajectoire.

Altitude :cela veut dire que j'ai plus de choix, je vais presque où je veux. Mais vais-je chuter vite jusqu'à ma remontée ? Je suis avare de mes mètres gagnés. C'est la vie : consommer pour avancer, analyse du rapport temps sur distance, finesse augmentée vent arrière. C'est quoi une dérive ? Il est tentant le triangle. Mais en fait le point D (départ) s'en est allé. Il est devenu A (arrivée).Le temps s'est écoulé.
« Fluctuat tempus nec mergitur » mais il fuit un peu quand même. Ce n'est pas forcément la descente aux enfers.
Découvrez les fonds sous-marins et le monde du silence. coraux. Coraline. coffre au trésor ?

L'histoire se répète. Je suis déjà passé plusieurs fois par ici. Premier atterrissage alentour il y a des années.. Était-ce jubilatoire ? Ou tout aussi frustrant ? Les deux probablement. Rien n'a changé? Les champs sont toujours là. Le vent s'engouffre toujours dans la vallée. Je passe au-dessus du bourg je vais sur la coupe de bois, je repère les feuillus, les contrastes. J'ai l'air au bout des doigts. Je me maintiens, je remonte, j'avance.

La vie n'est pas un long fleuve tranquille, et les cumulus sont juste un peu plus loin sur le plateau. Je suis ces trois oiseaux qui passent. Il faudrait que je pense aussi. Je ne vais pas assez loin ? Pas de jackpot. Fumée couchée. Je pose à Vaux (encore un val) après Domps.

La vallée de la Combade est belle. Domps - 144 habitants en 1999, église du XIIè (4statues), 2 % de chômage. Le bar « Des joyeux limousins » a une petite porte repeinte. L'intérieur fait un peu capharnaüm. Personne. Je frappe. J'ouvre. J'entre. Je ressors. Les chaises sont retournées sur la terrasse. Pas encore de touristes. Silence. Oiseaux. Carrefour. Eymoutiers 12 km au Nord, Chamboret 12 km au sud. Je suis trop au milieu (en fait, c'est le col. Je culmine, pour ainsi dire !).

Quelques voix dans une maison. Tracteurs. le ruisseau coule. il passe plusieurs voitures. Si. Si. Plusieurs.
Assis à l'ombre sur un banc de granit. Posé et reposé finalement, après un peu de marche avec le sac sur le dos. Downtown Domps.

Réveil en douceur du retour sur terre. Nord-Sud-Est-Ouest? Ce sera vers le nord avec la première camionnette verte qui s'arrête.

Eymoutiers. vais-je rentrer à Limoges par l'autorail moderne et néanmoins tortillard? Dans le hall de la gare, une dame d'un certain age attend. En absence du préposé du guichet, elle m'apprend qu'il y a un train vers 18 h 40. A mon avis, elle pourrait aussi me raconter d'autres aventures du passé, genre les parachutistes anglais pendant la guerre, les accidents sur la voie, son premier vol ?

Je vais quand même boire une bière. Je prendrais le train la prochaine fois, c'est sûr.

Dans les environs d'Eymoutiers, St Psalmet est partout. Irlandais de naissance, débarquant en Charente après une navigation avec St Brendan, il fait tellement de miracles qu'il cherche un lieu tranquille pour avoir la paix. Un loup dévore son âne, mais il parvient à l'apprivoiser pour remplacer l'âne.

Je ne me sens pas ermite, mais peut-être un peu pèlerin, car finalement, pour voyager l'essentiel c'est d'y croire, en psalmodiant quelque obscure ritournelle magique. Tapis volant. Ah ! J'oubliais: j'ai fait un vol de 24 km. Sympa. Le plus dur est de partir? C'est sûrement parce que c'est toujours mourir un peu.
C'est aussi simplement le désir d'aller voir ailleurs sans se faire taper sur la pente au ras des sapins.


Pascal Legrand

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