Récits des TVL

NOUVELLE SAISON 2002-03-25

Aujourd'hui, c'est encore meilleur car il pleut. Qu'importe la pluie, puisque dimanche, nous avons fait notre premier cross de la saison. Modeste distance. Mais j'ai retrouvé le voyage. Un bon vent de sud, et voilà le temps de la migration qui revient. Certes, nous n'avons pas l'instinct des oiseaux, mais le plaisir n'en est que plus grand. De plus, on peut faire durer ; en racontant après, c'est tout aussi bon, pour apprendre, échanger des impressions partagées au café avant d'attaquer la route du retour, zombies au milieu des habitués bienveillants et amicaux.

Les Monédières, pays des bruyères, quelques ailes en l'air en cette mi-mars, Olivier, Opal, Bernard, Fredo. Nos ouvreurs parapentes, Franck et Thierry, sont déjà partis ; vu le vent, ils n'avaient pas trop le choix ; vu le plafond, ils sont déjà quasi-posés, pas trop loin. Nous prospectons et nous prenons notre temps. La neige fond sur le Cantal et le Sancy au loin. Les pompes sont presque à leur place. Bernard se pose au sommet au moment où je grimpe lentement vers le nuage, et où j'attaque une dérive sage. Les autres manquent le créneau ; je me retrouve seul, j'essaye d'assurer, mais je n'atteins même pas les barbules.

A 800/900 m d'altitude, le plateau de Millevaches est prêt à me manger, si je manque la prochaine pompe. La transition semble toujours longue vers les deux lacs de Treignac, puis de Toy-Viam, et les toits de Bugeat se rapprochent.

Survol de rivières qui serpentent, de petits ruisseaux dans les tourbières, avec leurs bosses d'herbes qui ressemblent à l'excellent praliné de la pâtisserie-chocolaterie du village. Nous sommes loin de l'ambiance déshydratée des Alpes du Sud. Il y a de l'humidité dans l'air, et pas mal d'eau au sol. Mais le pierrier occasionnel chauffe un peu au timide soleil. Il faut être lent pour être en l'air, même si le cumulus suivant semble prometteur. L'atteindrais-je ? Satisfaction de retrouver une petite montée qui permet de continuer l'errance. Ce n'est pas le bush, mais on peut chercher l'agglomération quand même. Il y a quelques maisons perdues au milieu des sapins, des champs bien verts, des ondulations dans le lointain : un paysage qui a de l'ampleur, sans sauvagerie apparente et sans aridité, un paysage à découvrir, toujours prêt à vous accueillir.

J'ai de la compagnie. Une bonne trentaine d'oiseaux au dessus blanc, un peu moucheté, tournent au-dessous de moi (assez bas pour que je ne puisse pas les identifier) dans l'illustration d'école de la pompe. Je me recale légèrement ; ils ne monteront pas jusqu'à moi, ces inconnus du jour. Ils partent en groupe vers le Nord. Stupidement, j'hésite un peu à pousser la pompe jusqu'au bout; je décide qu'ils vont trouver la suivante mieux que moi : je les suis. Et je change d'avis, et je les perds car finalement, ce nuage à droite me semble un meilleur plan; j'arrive donc avec 100 m de gaz sur le \"mont\" qui va bien avec la coupe de bois. Le vario est là, nerveux, mais c'est un peu trop étroit pour moi. J'ai beau insister, il y a trop de forêt dans l'axe de la dérive. Il y a mon beau champ; la ponte, le village.

\"Pascal posé à l'entrée de Gentioux\". Les moutons ne sont pas curieux aujourd'hui, mais le berger vient me voir. Un vrai. Assez âgé, casquette, lunettes. Un peu étonné quand même. Il fait le tour de l'aile, mais ne me demande pas pour le moteur. Notre \"conversation\" est interrompue par un homme plus jeune (agriculteur moderne certainement) qui est tout aussi sympathique, et qui semble connaître un peu \"les courants chauds\". \"Oui, certains jours, on peut monter haut, et aller très loin, mais pas aujourd'hui, mais c'est déjà bien\".
Tout le temps pour plier, marcher quelques petits kilomètres jusqu'au village en appréciant le paysage : détente, retrouver la place de la mairie, plutôt déserte avec son célèbre \"Honni soit la guerre\" sur le monument aux morts. On se sent bien ici !Je suis le seul client du bar. Le veau aux carottes mijote sur le poêle.

L'équipe \"récup\" arrive, met de l'ambiance, renverse un verre et nous voilà bientôt reparti dans le transit d'époque, tentures intérieures, plancher sans matelas, mais c'est bon quand même sur les petites routes qui tournent. Merci Bernard de nous rappeler que nous sommes restés jeunes. Nous reviennent à l'esprit les pensées de Boudeau, le philosophe chemineau : \"C'est en faisant le retour en voiture qu'on s'aperçoit qu'on est allé loin\". On se paye même le luxe de se rallonger un peu en se trompant d'itinéraire. mais bon !

Même s'il y a la frustration d'avoir raté la dernière pompe (après c'était forcément facile !), change rien, Bernard ; ça va le faire, pour cette saison encore


Pascal Legrand

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