Récits des TVL

COMME CA 2007-06-24

Quand un pêcheur me raconte une histoire de poisson, j’ai tendance à être sur mes gardes. Sur la longueur, il faut toujours se méfier. Pour se garer en créneau aussi.

Mais pour les récits de vols de mes camarades, dans l’ensemble, il n’y a pas d’embrouille. Pourquoi irait-on exagérer ? Tout est déjà assez difficile quand on veut décoller et voler sans moteur. Ce sont peut-être les animaux qui suggèrent l’affabulation, les chimères qui amènent des fantasmes, qui font apparaître des dragons ou des licornes. Et derrière la licorne se cache souvent la dame, dont il n’est pas exclu qu’elle soit blonde à forte poitrine. Quand ils m’ont dit qu’ils avaient vu un vautour - nous sommes au sud ouest du plateau de Millevaches - j’ai malgré tout eu un doute. Autour de Millau pas de problèmes mais ici ? Un vautour, ça ne se confond pas facilement avec une buse.



Sur le plateau, il y a des légendes, des fées, des sources miraculeuses, des pierres à sacrifices, mais très très peu de vautours. Le cheminot voit de temps en temps une vache devant la locomotive. Rarement en l’air. Rarement un vautour.

Un automne, j’ai pu contempler un moment un grand rapace blanc dans un champ. Un aigle de Bonelli ? C’était plutôt une bondrée ou un autour. Je ne suis pas ornithologue. En vol, nous sommes habitués aux buses, aux émouchets et autres petits éperviers, sans parler des hirondelles et des martinets.

Comme il faut se poser à un moment ou à un autre, il faut aussi parler de la bergère. Je me rappelle en voir vu une dont les cheveux bruns tombaient jusque sur sa chute de reins. Son sourire était clair comme l’eau qui jaillit du granit dans les sous-bois de châtaigniers, ses formes arrondies comme les ondulations d’un relief d’antan qui renaît éternellement à chaque printemps. Je ne l’ai pas clamé sur les toits. Ils se seraient tous précipité comme une volée de moineaux, et j’aurais dû leur donner tous les détails, alors qu’il faut bien garder un peu de mystère…

Le 19 juin, juste au nord-est du puy de la Monédière, un aigle m’a indiqué l’ascendance. Grande envergure, queue courte, la tête sans collerette. Pas du tout les rémiges d’un vautour, les ailes moins larges. Brun avec du très sombre. Nous avons fait juste quelques tours ensemble et il est parti dans mon sud. Brève rencontre, animal fier, caractère différent de la buse familière.

C’est clair comme un corbeau sur la neige. Je veux dire évident. Ni faucon, ni vautour, ni milan. Certes, la buse pattue est plus grande que la buse variable… Et j’ai préféré piloter et profiter du spectacle plutôt qu’essayer de zoomer avec l’appareil photo.

Alors, il va bien falloir me croire sur parole. Aujourd’hui, j’ai vu un pivert. Il est vrai que c’est encore mieux quand on est certain de ne pas se tromper. Les caprimulgiformes ont parait-il « de grand yeux, un plumage doux et une peu très fine, une bouche grande, profonde et dotée d’une large ouverture ». Mon petit livre « Grund » – édition 2000 bibliothèque nature (traduction Dupond-Furno, révision Brigitte Michaud) dit que leur progéniture est inapte, mais ne dit pas à quoi.

Il n’est pas facile d’identifier l’oiseau rare pour un novice.. ni d’être cru pour celui qui raconte. La bergère s’appelait Coralynn

Nous avons de la chance de pouvoir voler avec les oiseaux. C’est une liberté à préserver. Soutenons les actions qui empêchent les emplumés de passer dans les tuyères des avions de combat. Gardons la joie de naviguer avec les dauphins, les baleines et les rorquals. Si je vous dis que je me suis aussi baigné avec les phoques, vous allez encore me regarder avec une certaine suspicion. Heureusement pour les poissons, j’ai la photographie du plus gros que j’ai pris, donc, il n’y aura pas de contestation possible.



Pascal Legrand

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