Marie METENIER, La gentrification des espaces «naturels» protégés en Angleterre

La gentrification des espaces naturels protégés en Angleterre

Gentrification of protected landscapes in England

Depuis l’après-guerre, les campagnes britanniques ont fait l’objet de nombreuses recompositions sociales en particulier sous l’effet de l’implantation de nombreux ménages, pour la plupart d’origine urbaine et relevant des middle classes. Ces recompositions peuvent être analysées au prisme du concept de gentrification rurale, lequel décrit une forme de colonisation des espaces ruraux conduisant progressivement à l’éviction des populations les plus pauvres. La gentrification rurale se distingue de la gentrification urbaine par le rôle fondamental qu’y joue la nature, poussant même certains chercheurs à proposer le néologisme de greentrification. Cependant, si les campagnes britanniques constituent un terrain de recherche privilégié pour les géographes spécialistes de la question, aucune recherche n’a mentionné ni, a fortiori, exploré la corrélation existant entre la géographie des campagnes gentrifiées et la présence d’espaces naturels protégés. C’est précisément cette superposition entre espaces protégés et campagnes gentrifiées que ce travail de thèse se propose d’investiguer.

En raison de leur protection règlementaire, ces espaces naturels constituent un objet géographique particulièrement intéressant en ce sens que leur attractivité a été renforcée par le mécanisme de protection dont ils bénéficient. Ils sont devenus le théâtre de multiples représentations de la nature, d’appropriations foncières, d’exclusions socio-territoriales mais également d’instrumentalisations politiques. Avec l’apparition de nombreux conflits d’usage, la grille de lecture des fronts écologiques sera convoquée pour permettre une analyse spatio-temporelle de la greentrification. Les actions des différents groupes sociaux identifiés seront alors mises en parallèle avec les logiques territoriales des espaces naturels protégés, en particulier dans leur dimension historique. Les actions des différents groupes sociaux identifiés seront alors mises en parallèle avec les logiques territoriales des espaces naturels protégés, en particulier dans leur dimension historique. De la même manière, la majorité des études menées sur la gentrification ont pour la plupart marginalisé la place des populations locales confrontées à ce phénomène, souvent source de profondes injustices, et notamment des injustices environnementales. Ces dernières constitueront une piste particulièrement intéressante tout au long de ce travail de thèse.

Cette thèse permettra non seulement d’interroger les dynamiques sociales à l’œuvre sur un territoire dépositaire d’importantes aménités environnementales mais également d’analyser les conflits d’usage autour d’un espace protégé au titre du droit de l’environnement, conflits identifiables à deux échelles. La première échelle se situerait à un niveau plus global et poserait l’hypothèse générale selon laquelle il y aurait une ou des formes d’instrumentalisation des mécanismes de protection juridique. La deuxième échelle se situerait à un niveau plus local et porterait sur la mise en œuvre de cette instrumentalisation dans des hameaux, des villages, des cœurs de parcs ou encore les zones de contact entre l’intérieur et l’extérieur des zones protégées. L’intérêt des représentations dans le champ de valeurs environnementales est fondamental dans la mesure où ces premières sont produites par les sociétés et notamment la société britannique, et qu’en retour, ce sont elles qui contribuent à produire les territoires.

La réalisation de ce travail passera par l’étude de trois espaces « naturels » protégés en Angleterre dans lesquels les enjeux du processus de greentrification seront analysés. Plus précisément, le terrain de recherche sera composé de deux parcs nationaux et d’une Area of Outstanding Natural Beauty. Les parcs nationaux du Peak District, situé dans le Derbyshire, et le parc national de Dartmoor, situé dans le Devon seraient les deux terrains de recherches bénéficiant de ce type de protection. Créés en 1951, ils font partie des espaces naturels protégés les plus anciens du Royaume-Uni, une protection historique qu’il conviendra d’analyser au prisme des dynamiques du processus contemporain de greentrification. Pour enrichir cette thèse d’une autre configuration de protection de l’environnement, le troisième terrain de recherche portera sur « l’Area of Outstanding Natural Beauty » des Cotswolds, localisée dans la périphérie occidentale du bassin londonien et créée en 1966.

 

Cette thèse a donc pour but d’explorer certains angles morts de la littérature sur la gentrification rurale. A travers une analyse de la relation entre gentrification et environnement, d’autres questions essentielles, qui n’ont pas été traitées en profondeur, seront analysées ici comme l’enjeu de la localisation en zone rurale périphérique de ces espaces protégés mais également les modes d’instrumentalisation selon les systèmes de protection juridique. Il s’agira également d’élaborer une typologie des gentrifieurs selon leur degré d’implication dans l’environnement, une temporalité dynamique qui permettrait d’envisager la notion de capital environnemental mais également d’approfondir la catégorie des «populations locales» qui n’a pas été réellement définie dans la littérature. Ces deux objectifs seront appréhendés durant cette thèse. De plus, le rôle des associations et des gestionnaires d’espaces naturels protégés n’a pas été traité au regard du processus de greentrification. Ce projet de thèse permet d’illustrer les articulations entre la conservation «publique» d’un espace naturel d’un côté et sa préservation «militante» de l’autre, deux approches parfois divergentes et sources de conflits.

Les Parcs Nationaux et les AONB britanniques sont-ils des territoires et des objets juridiques au service des éco-gentrifieurs? Dans quelle mesure les ont-ils instrumentalisés ? Tous les espaces naturels protégés sont-ils confrontés de la même manière à la gentrification rurale ? Leurs différents régimes juridiques et leur potentielle instrumentalisation jouent-ils un rôle sur les modalités (intensité, paysages, types d’acteurs, etc.) de la gentrification ?

D’un point de vue méthodologique, cette thèse reposera sur le croisement de plusieurs corpus avec notamment l’étude de données statistiques produites à l’échelle nationale, une enquête de terrain de nature plutôt qualitative reposant sur la réalisation d’entretiens semi-directifs et la prospection d’archives historiques et juridiques. Le projet de thèse s’inscrit pleinement au cœur des questionnements de l’équipe «Capital environnemental –représentations, gestions et recompositions territoriales» du laboratoire GEOLAB de l’Université de Limoges et de l’ANR iRGENT (international rural gentrification) coordonnée par F.Richard.

Mots clés :Gentrification rurale, greentrification, espaces naturels protégés, front écologique, instrumentalisations, injustices environnementales, Angleterre.

Key words : Rural gentrification, greentrification, protected landscapes, ecological frontier, politicisations, environmental injustices, England.

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