« Pirates – Aventuriers – Explorateurs » – Colloque – 8-10 novembre 2012

« Pirates – Aventuriers – Explorateurs »


Boulogne-sur-mer


8 – 9 – 10 novembre 2012

Organisateurs : Jacqueline Bel et Till Kuhnle.

La mer est un espace liquide sans frontières, très tôt régi par des règles coutumières. Les premiers Grecs étaient tous pirates (Montesquieu) ; pirata minus delinquit, quia in mari delinquit : les délits des pirates sont considérés comme mineurs parce que commis en mer (Alciat). Partant de cette assertion, Carl Schmitt, juriste constitutionnaliste contesté mais d’une grande influence sur la théorie du droit international public, estime dans Le Nomos de la Terre que la nouvelle géographie du monde apparue à la suite des grandes découvertes amène une nouvelle vision du monde et qu’un jus publicum europaeum s’impose pour régler aussi les conflits de la mer, zone franche, espace d’impunité, en opposition à la terre ferme et à ses lois définies.

« Pirate », du grec peirô, signifie « tenter », « essayer », « risquer », mais aussi « prendre ». Chez Homère, les pirates tentent leur chance sur la mer sans avoir honte de prendre de force les butins, mais aussi les hommes. Tout en étant en rupture avec les valeurs morales et les lois, les pirates de la Méditerranée ont été en effet de grands pourvoyeurs d’esclaves et ont de ce fait contribué à marquer l’économie antique et à la rendre florissante. C’est sans doute pourquoi Rome a tardé à combattre ce qu’elle considérait par ailleurs comme un fléau.

À l’apogée du Moyen Âge, en revanche, la chevalerie cherche à défendre un système de valeurs menacé par le cours de l’Histoire. Désormais, le chevalier est en quête d’aventures : l’individu cherche la réconciliation de la Contingence et de la Providence. Par la suite, le terme d’« aventurier » prendra des significations anti-nomiques : soit il est associé au pirate et au brigand, soit à l’individu accompli dont l’audace fait avancer les destins de l’humanité. Pirates et aventuriers transportent en quelque sorte leur civilisation – et toutes ses apories – jusqu’aux fins fonds du monde. Explorateurs et géographes ne sont quant à eux pas moins aventuriers, même s’ils sont le plus souvent au service des États ou de commerçants comme les Fugger ; et pour finir, la saisie cartographique de la Terre dans son ensemble prépare une nouvelle vision – globale – des rapports entre les peuples : la mondialisation.

À l’aube des temps modernes, la mer est encore un no man’s land où règne la loi du plus fort, et le brigand des mers, le pirate, y agit sans scrupules. Les États les utilisent alors à leur profit. À l’instar de Jean Bart, ceux que l’on appelle les corsaires sont désormais des alliés précieux pour les rois en Europe, car ils affaiblissent l’adversaire et contribuent au ravitaillement des troupes régulières.

Avec l’avènement de la bourgeoisie, la littérature redécouvre l’espace hors-la-loi où l’individu peut encore s’affirmer par des actions héroïques. L’image du pirate devient ambiguë : d’une part il continue à incarner une menace, voire le mal, d’autre part on le vénère comme gentilhomme de fortune, ce qui donne lieu à l’émergence d’un nouveau genre romanesque dont Daniel Defoe, Robert Louis Stevenson, Jack London ou Emilio Salgari sont de grands représentants. La Femme de trente ans de Balzac ou les romans de Jules Verne entraînent leurs lecteurs dans le monde de la piraterie, monde qui exerce encore de nos jours une grande fascination. Mais la piraterie gagne aussi la terre ferme, les prairies, les grands fleuves du Nouveau Monde et d’autres continents ainsi que les forêts ou règnent les Robin des Bois. Les Brigands de Schiller ou les braconniers dans les montagnes du roman de terroir allemand les évoquent également. Par ailleurs, la mer et les forêts sont des symboles récurrents de l’inconscient.

Des grands pirates incarnés par Errol Flynn ou Burt Lancaster aux Pirates des Caraïbes, ces brigands de la mer battent des records en salle. Les pirates continuent à peupler romans et films d’aventure ou de science-fiction. Le roman graphique L’Ile au trésor, par exemple, est une relecture du chef d’oeuvre de Stevenson dans une banlieue du XXe siècle. On connaît les « radios pirates », ces voix « off » de la liberté. Avec la mondialisation, de nombreux produits pirates profitent de l’anonymat économique et des avantages d’un monde sans frontières, partant du principe que pirata minus delinquit, quia in mari delinquit.

En outre, nous surfons sur la toile et jetons via facebook ou twitter nos bouteilles à la mer. L’Internet est un autre espace sans frontières dont émergent les nouveaux pirates qui s’approprient des biens culturels au nom du droit de l’individu à la liberté et de la libre circulation de l’information. Dans plusieurs pays européens, ce nouvel esprit a donné lieu à l’apparition de nouvelles formations politiques, les partis pirates. Libéraux et libertaires à la fois, leurs militants défendent malgré tout l’État-providence puisque naviguer librement sur le net présuppose une certaine aisance matérielle. En haute mer, les actes de piraterie relèvent du droit international. L’un des défis posé à la communauté internationale est la lutte contre la piraterie. En effet, de véritables pirates défient les grandes puissances économiques et militaires devant les côtes africaines ou dans les eaux de la Malaisie, rappelant ainsi sans cesse la fragilité de toute civilisation face aux forces à la fois archaïques et anarchiques.

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