Prostitution à CUBA (1959-2011) Prostitución en CUBA (1959-2011)

Dominique Gay-Sylvestre 

https://doi.org/10.25965/dire.295

La prostitution est éradiquée à Cuba, à l’issue d’une intense campagne de réhabilitation des prostituées. L’évolution de la société cubaine, l’incorporation massive des femmes au travail, les difficultés politiques et économiques que traverse l’île, font surgir des comportements nouveaux. Aggravés par l’effondrement du bloc socialiste, ils vont à l’encontre des structures familiales traditionnelles.
Des cubaines qui recherchent une ultime solution pour améliorer leur niveau de vie et celui de leur famille ont recours au jneterismo. Tolérée, dans un premier temps, par les autorités cubaines, cette nouvelle forme de prostitution s’adapte aux changements sociaux et s’ajuste aux caprices des touristes qui arrivent en masse sur l’île, en quête d’exotisme et de sensations défendues. Un marché du sexe fait son apparition : ses réseaux touchent les secteurs les plus inattendus de la société cubaine.

La prostitución es erradicada en Cuba a raíz de una intensa campaña de rehabilitación. La evolución de la sociedad cubana, la incorporación masiva de las mujeres al trabajo, las dificultades políticas y económicas que atraviesa la isla, hacen surgir comportamientos nuevos, agudizados por el derrumbe del campo socialista, en contradicción con las estructuras familiares tradicionales.
Buscando una solución última para mejorar su nivel de vida y el de su familia, algunas mujeres recurren al jineterismo. Tolerada al principio por las autoridades gubernamentales, esta nueva forma de prostitución se adapta a los cambios sociales y se amolda a los caprichos del turista que afluye a la isla en busca de exotismo y de sensaciones prohibidas, dando lugar a un mercado del sexo cuyas redes alcanzan lugares insopechados de la sociedad cubana.

Texte intégral

« En 1959 tout a changé d’un seul coup et pour tous… le pays a changé… » raconte, des années plus tard, à La Havane, Elsa Contreras, alias Fleur de Lotus :

« les rebelles ont gagné la guerre et Batista a quitté Cuba, ce que tout le monde voulait dailleurs… tout cela ne m’a pas beaucoup touchée parce que plusieurs filles étaient disposées à continuer à travailler avec moi et je me disais : ils ont beau faire toute cette révolution, s’il y a une affaire qui va continuer à marcher c’est bien la prostitution. ... » (Padura, 2006 : 323).

Mais, dans la capitale, les quartiers Colón, La Vitoria, San Isidro, La Vía Blanca, haut lieux de la prostitution, sont en ébullition. Il se murmure que la Révolution sera implacable avec les prostituées, qu’elles seront fusillées, qu’elles iront en prison ou seront envoyées dans des fermes de redressement. D’autres assurent, au contraire, que le nouveau gouvernement sera comme le précédent et que rien ne changera vraiment.

Il n’empêche… bon nombre de tenanciers préfère prendre la fuite vers la Floride voisine, abandonnant leurs maisons aux filles, qui, n’ayant plus à partager leurs bénéfices avec eux, travaillent désormais pour leur propre compte. Avec l’arrivée des barbudos, les rues de la capitale, désertées les derniers mois de la dictature de Batista, reprennent vie. Certes, à la différence d’autrefois, il n’y a pas la queue à la porte des maisons closes, mais les « filles » gagnent mieux leur vie.

Or, dès février 1959, alors qu’il s’adresse aux ouvriers de la compagnie Shell, Fidel Castro met l’accent sur la douloureuse réalité vécue par une partie de la population cubaine :

Vous savez tous la tragédie qu’affronte la femme et celle qu’affronte le Noir. Ce sont deux secteurs qui connaissent la discrimination. On parle, par exemple de discrimination sexuelle, du nombre de femmes que l’on essaie d’exploiter et de ce que l’on considère les femmes comme un objet de plaisir plus que comme une figure sociale, capable d’être au même niveau que l’homme… (Gay-Sylvestre, 2006 : 65).

Cuba ne peut plus être cette « île de tous les délices » (Valle, 2010 : 189), lieu de débauche privilégié d’un certain tourisme, nord-américain en particulier. La prostitution est désormais une « maladie sociale curable » que la Révolution se doit d’éradiquer si elle veut être conséquente et crédible.

Un mois après le meeting avec les ouvriers de la Shell, une « Police de tourisme » est chargée de contrôler les touristes masculins qui arrivent seuls sur l’île. Puis, un contrôle sanitaire, systématique, des prostituées exerçant dans les maisons closes est instauré. Si elles ne souffrent pas de maladies vénériennes, qu’elles sont en bonne santé, on leur délivre un carnet de santé et elles peuvent poursuivre leur activité. Ces mesures, très mal vécues par les prostituées, s’accompagnent d’une série d’interdictions (alcool, drogue) et d’une réglementation très rigoureuse des horaires d’ouverture des maisons de tolérance, restreignant ainsi leur activité.

Dans le même temps, des mesures prophylactiques identiques sont appliquées aux « fleurs de macadam ». Les contrôles aux postes de police s’intensifient. Il devient clair qu’une campagne contre les « vices et fléaux » de la société capitaliste (FMC, 1988 : 9) est amorcée car :

« il faut donner naissance à une nouvelle femme, la femme de la société socialiste. Libérée de l’esclavage domestique et du poids des préjugés du passé, elle doit jouir de tous les droits et s’incorporer pleinement à la production » (Gay-Sylvestre, 2006 : 90).

Note de bas de page 1 :

 Contribua à l’établissement du programme de réhabilitation des prostituées.

Au début, reconnaît Armando Torres1, ancien secrétaire général du Conseil Supérieur de la Défense sociale,

« nous n’avions pas de plan préconçu pour commencer notre travail… Chaque étape surgit de façon spontanée. Quelqu’un eut l’idée d’aller dans les bordels et de parler aux prostituées pour voir si on pouvait les convaincre d’abandonner leur mode de vie… Nous avions une vue romantique des choses » (Lewis, Lewis, Rigdon, 1977 : note introductive).

Note de bas de page 2 :

 Créée le 23 août 1960.

La Fédération des Femmes Cubaines (FMC)2 et le Ministère de l’Intérieur sont chargés de mettre en place, au niveau de la capitale tout d’abord, puis à l’échelle nationale, une campagne de réhabilitation en faveur des prostituées. Une première phase, de persuasion, débute par une visite de toutes les maisons de passe de La Havane. Les fédérées, par groupes, ont pour mission, outre le recensement des maisons closes, de rendre compte de la situation familiale et matérielle des « belles de jour » et des « belles de nuit ». Il s’agit de les convaincre d’abandonner, volontairement, la pratique de la prostitution qui n’a pas sa place dans une société qui se construit sur la base de l’exclusion de toute forme d’exploitation.

« La prostitution est une conséquence du régime d’exploitation de l’homme par l’homme » (Gay-Sylvestre, 2006 : 79), dira alors Fidel Castro, et

« Les mesures que la Révolution adoptera pour l’éradiquer ne seront pas les mesures adoptées contre les parasites. Elle procédera en combinant éducation et aide économique, de façon à réhabiliter socialement cette partie des secteurs humbles de la population. Ce ne seront pas des procédés drastiques, mais un procédé basé sur l’éducation et la réinsertion. Il devra compter sur la collaboration des femmes qui en ont été victimes » (Gay-Sylvestre, 2006 : 79).

Note de bas de page 3 :

 Les prostituées bénéficieront alors des deux mesures phares des débuts de la Révolution : les soins médicaux et l’éducation.

Note de bas de page 4 :

 Un document de la FMC datant de 1988, fait état d’un chiffre nettement inférieur : 30 ou 40 000. Un certain nombre de prostituées parvient, à cette époque, à échapper aux contrôles.

Le recensement amorcé, combiné à celui effectué dans le cadre de la campagne d’alphabétisation3, permet de chiffrer le nombre de prostituées à La Havane et dans les autres capitales de province, Guantánamo, Caimanera, Santiago de Cuba, Camagüey, Cienfuegos et Matanzas : soit dix mille dans la capitale sur les 100 000 recensées dans toute l’île4.

Issues le plus souvent de la campagne, les prostituées souffrent de conditions de vie précaires, humilliantes et dégradantes. N’ayant connu, pour la plupart, que rejet, isolement et persécution, il en coûte aux fédérées, peu ou mal préparées, de créer avec elles un climat de confiance qui les incitera à collaborer, volontairement, à leur rééducation. Insultées, menacées, à la fois par les prostituées, les proxénètes et les matrones lorsqu’elles pénètrent dans les maisons de passe, elles doivent dépasser leurs préjugés et leurs craintes, vaincre aussi l’opposition de leurs époux et familles qui craignent pour leur vie et leur réputation.

« Ma première impression en entrant dans une maison de tolérance a été tellement désagréable que j’ai failli m’enfuir à peine y avais-je mis les pieds. Elle était d’une saleté repoussante… Par la suite, j’ai connu des endroits mieux tenus, où l’on se souciait davantage des conditions d’hygiène. Les femmes qu’on y rencontrait faisaient preuve d’un manque total de pudeur. Mais ce que je supportais le moins c’était le regard de ces hommes qui entraient et sortaient comme s’il s’agissait de troupeaux » (FMC, 1988 : 13).

Mais l’insertion des prostituées dans la nouvelle société, leur accès au « travail socialement utile » (Gay-Sylvestre, 2006 : 68) et, par là, leur émancipation sont à ce prix. Les plus récalcitrantes sont envoyées en prison où la FMC et le Ministère de l’Intérieur (MININT) poursuivent leur travail de persuasion.

Note de bas de page 5 :

 En réalité, bon nombre d’entre eux préfèrent quitter Cuba pour les Etat-Unis.

En revanche, « essayer la persuasion auprès des souteneurs » rapporte Armando Torres, « était une vue romantique de la réalité » (Lewis, Lewis, Rigdon, 1977 : p.397-398). Aussi, après un long et difficile processus d’identification des hommes qui avaient vécu jusque là du proxénétisme, la répression se durcit et le MININT lance l’ « opération Fusée ». Plusieurs centaines de souteneurs sont arrêtés et envoyés dans des fermes de redressement pour travailler à la production. Ils n’en ressortent qu’une fois repentis, rééduqués et pourvus d’un métier susceptible d’assurer leur insertion sociale5.

Note de bas de page 6 :

 Créé en 1962.

La campagne de persuasion n’ayant pas produit les effets souhaités, la FMC et le MININT lancent une campagne de plus grande envergure destinée, surtout, à mettre un terme à la prostitution clandestine. Quatre écoles de réhabilitation, gérées à la fois par la FMC et le Département de Prévention et de Sécurité Sociale du Ministère de l’Intérieur6, sont installées en dehors des villes où la prostitution est la plus marquée : La Havane, Matanzas, Camagüey et Santiago de Cuba.

« Le traitement initial était philanthropique par nature » explique Armando Torres :

« On n’appliquait pas un programme tout fait mais il s’agissait de former des groupes et de discuter les problèmes ensemble… On expliqua donc aux femmes la nature de la Révolution, les conditions sociales qui les avaient poussées à la prostitution, et on leur demanda si elles ne souhaitaient pas un changement de leur condition d’existence. Ce fut essentiellement, dit-il, une question de persuasion. C’est-à-dire qu’on leur fit savoir que l’Etat ne tolérait plus leur façon de vivre, mais qu’il garantirait à chaque femme du travail. Certaines femmes prirent peur et préférèrent entrer dans les écoles. Les volontaires se manifestèrent de plus en plus nombreuses et après une attente de plusieurs mois, les cours furent organisés. On ouvrit aussi des salons de beauté pour apprendre aux filles à s’habiller et à se coiffer sans excès ni fioritures, on leur apprit les manières de table et on leur fit abandonner leurs anciennes habitudes » (Gay-Sylvestre, 2006 : 79).

Ce que confirme d’ailleurs Elsa Contreras :

Note de bas de page 7 :

 Sur la côte nord de Cuba, à 70 kms. de Camagüey.

« … Je ne me suis pas décidée à partir en 1960, en 1961… Et quand j’ai ouvert les yeux, j’étais enfermée ici…. J’ai dû recommencer à travailler mais j’avais déjà plus de trente-cinq ans, alors j’ai ouvert un bordel à Nuevitas7, à l’époque où c’était encore possible. Mais ça a foiré presque tout de suite et on m’a mise dans une espèce d’école pour me rééduquer. On m’a même appris à coudre » (Padura, 2006 : 39).

Trois principes fondamentaux : élévation du niveau scolaire, dépassement politico-idéologique et travail collectif régissent les écoles de réhabilitation. Les premières élèves y sont volontaires, puis l’État adopte des mesures plus coercitives pour obliger les prostituées à suivre les cours qui y sont dispensés.

Pendant toute la période de rééducation, les enfants des prostituées sont pris en charge par l’Etat : crèches ou écoles maternelles sont garanties pour les plus petits et des bourses pour les plus grands. Une pension de cinquante à deux cents pesos par mois est versée à la famille des ex-prostituées pour pallier la perte de leurs revenus et, du même coup, l’absence de soutien financier.

Une fois réhabilitées, les anciennes prostituées bénéficient d’un logement – généralement éloigné de leur ancien lieu de travail. Les organisations de masse - Comités de Défense de la Révolution (CDR) et la Centrale des Travailleurs de Cuba (CTC) - collaborent à l’effort général de réhabilitation en favorisant leur insertion par l’emploi.

En 1963, toutes les maisons closes sont définitivement fermées. Dans les rues, la prostitution est encore tolérée, mais les « arpenteuses » ont l’obligation de respecter les horaires assignés par le MININT. Elles sont tenues, par ailleurs, de consacrer leur temps libre à la formation idéologique et à l’étude (il leur faut atteindre le niveau de fin d’études primaires). Le dimanche, elles doivent se rendre à la campagne et, à l’instar des autres Cubaines, participer au travail volontaire dans les champs.

Note de bas de page 8 :

 Certaines réussissent à passer le diplôme d’Éducation Ouvrière Paysanne.

En 1966, la campagne de réhabilitation est terminée. Officiellement, la prostitution comme « mal social » n’a plus cours à Cuba et l’on considère qu’elle est « exclue du fonctionnement institutionnel » (Holgado Fernandez, 2002 : 241). Nombre d’ex-prostituées intègre le monde de la production ou les différentes écoles créées par la FMC8 car « la révolution et l’intégration au processus révolutionnaire exigent un degré d’instruction et un support très particuliers » (Gay-Sylvestre, 2006 : 67).

La grande bataille contre la prostitution massive est gagnée. Officiellement, il n’y a plus de prostitution à Cuba. Et pourtant, malgré la campagne de réhabilitation, certaines femmes ont replongé dans la prostitution. Prostitution clandestine, mais active, aux abords des ports notamment.

Dans le même temps, une nouvelle forme de prostitution, plus sournoise, moins facilement détectable, basée sur la « technique du contact sexuel en échange d’une faveur, sur le modèle d’un service contre un autre » (Valle, 2010 : 193) est pratiquée. En effet,

Note de bas de page 9 :

 Le secteur artistique  en particulier : radio, télévision, cinéma, danse.

« le nombre de femmes qui obtinrent des postes grâce à des ‘arrangements sexuels’ fut élevé et augmenta curieusement à partir des persécutions et des licenciements des homosexuels dans ces milieux9 qui laissèrent un nombre considérable de places vacantes » (Valle, 2010 : 192).

A ces formes sporadiques mais bien réelles de la prostitution, se greffe une autre prostitution, exercée par celles que l’on nomme les « courtisanes du socialisme » (Holgado Fernandez, 2002 : 241) qui entretiennent des relations avec certains hauts fonctionnaires de l’État et du Parti et/ou des diplomates. La Révolution, pourtant très moralisatrice, s’en accommode alors que la construction de la nouvelle société, socialiste, suppose des comportements nouveaux.

Le blocus imposé à l’île par les Etats-Unis à partir de 1961, l’instauration du carnet de rationnement (« libreta ») en 1963, les mobilisations massives dans le secteur agricole, en particulier, l’échec de la zafra des 10 Millions de tonnes en 1970, accroissent les difficultés quotidiennes de la population.

Dans le même temps, le processus de libération et d’émancipation des Cubaines, impulsé par la FMC, basé sur une politique d’incitation au travail, la disparition progressive de la subordination à la figure masculine et la rupture des liens de dépendance économique qui liaient autrefois la femme à l’homme, donnent naissance à une nouvelle femme qui, malgré la « doble jornada », entend mener sa vie à sa guise. S’ensuit une période de démesure où liberté et libertinage se confondent parfois, traduits, en termes crus par Elsa Contreras :

« …] ma fiche de putain était collée dans mon dos et quand j’ai eu l’occasion de l’arracher, je l’ai fait,… faire la pute à quarante ans, c’est sacrément dur ! Tu dois te taper n’importe quoi, pour pas grand-chose, parce qu’en plus, la concurrence est montée en flèche : comme les femmes étaient devenues libres et souveraines, égales aux hommes, eh bien, elles s’envoyaient en l’air… les gamines commençaient à baiser comme des dingues dès quatorze ans et tout le monde couchait avec tout le monde pour jouir du sexe, bref on était tous égaux et on jouissait de la même façon, non ? » (Padura, 2006 : 362-363).

Note de bas de page 10 :

 Il s’agit des Escuelas Secundarias Básicas en el Campo (ESBC) et des Institutos Pre-Universitarios en el Campo (IPUEC).

La crudité des termes ne laisse pas de révéler une réalité confortée, en 1971, par l’implantation, puis l’institutionnalisation, à la campagne, d’un système d’écoles secondaires (collèges et lycées10) avec internats. Séparés de leurs parents qu’ils ne retrouvent que le week-end, les jeunes grandissent formés par de jeunes enseignants inexpérimentés. Or, la nuit, « l’action exubérante des hormones » raconte Monika Krause, Directrice du Centre National d’Éducation Sexuelle de La Havane (1979- 1990), la proximité des plantations, facilitent la libération de « tous les désirs incontrôlés, exacerbés par les conditions climatiques » (Krause, 2007 : 210).

Certes, il ne s’agit pas de prostitution mais la conception du système éducatif cubain en rapport avec les écoles à la campagne fait montre d’un désintérêt manifeste de l’idiosyncrasie cubaine. Attachés à ne former que de nouveaux esprits, les dirigeants ignorent toute forme d’éducation corporelle, d’éducation sexuelle, sur une île où, justement, sensualité et nature font corps.

Note de bas de page 11 :

 Maisons de rencontre pour autochtones.

Note de bas de page 12 :

 Les relations sexuelles avec un étranger sont interdites, considérées comme un délit et passibles de prison. Cela n’empêche pas qu’elles puissent avoir lieu.

Note de bas de page 13 :

 Le divorce devient une solution facile, la seule susceptible de permettre aux femmes de réaliser leurs aspirations. Dans les années 70, Cuba occupe le 5ème  rang mondial en matière de divorce.

Cette libération des mœurs est cependant freinée par la cohabitation de plusieurs générations sous un même toit et le recours aux posadas11 pour avoir des relations sexuelles12. Vers le milieu des années 70, la famille cubaine traverse une crise profonde qui s’exprime par un nombre croissant d’unions consensuelles et de divorces13 et donne naissance, dans les villes et dans la capitale surtout, à la titimanía.

De quoi s’agit-il ? Mariées ou divorcées, des jeunes femmes qui ont entre 18 et 25 ans cherchent chez un homme plus âgé, qui jouit d’une bonne situation matérielle, d’une position sociale confortable, voire même d’un pouvoir réel dans les hautes sphères ministérielles ou du Parti, les avantages matériels que suppose cette nouvelle relation. En d’autres termes, qu’il soit capable de les entretenir et de leur permettre d’avoir des conditions de vie supérieures à celles du reste de la population cubaine.

Paradoxalement, la titimanía qui donne lieu à maintes plaisanteries parce que :

Note de bas de page 14 :

 C’est nous qui rajoutons.

«… au bout de vingt, vingt-cinq, trente ans de mariage  […] [certains Cubains]14 n’ont pas su ou pas voulu, suivre l’évolution de leurs épouses, abandonnent tout…. pour aller vivre une nouvelle aventure avec une jeune femme dont ils se sont amourachés… et qui les mène par le bout du nez » (Ga y-Sylvestre, 2006 : 180).

n’est pas considérée comme de la prostitution. On excuse les comportements des jeunes femmes en expliquant qu’elles sont à la recherche de « l’image d’un père qu’elles n’ont pas eu au cours de leur enfance ou de leur adolescence » (Gay-Sylvestre, 2006 : 180)  et ceux des hommes, un peu plus âgés, parce qu’ils retrouvent ainsi une nouvelle jeunesse…

Puis, popularisée par le groupe musical cubain Los Van Van qui raconte « précisément une histoire sur la titimanía, ou la ‘maladie des chefs d’avoir, de sortir, de coucher et de s’amuser avec des filles plus jeunes qu’eux’ » (Valle, 2010 : 194),la titimanía devient alors un véritable phénomène social. La classification qui y est instaurée entre les « crevettes », les « raccrocheuses », les « étagères », les « caravelles » et enfin les « maîtresses » (Valle, 2010 :195) n’est pas sans rappeler la hiérarchie existant au sein de la prostitution du Cuba de Batista.

Note de bas de page 15 :

 Les discours officiels insistent sur la qualité du niveau de vie des Cubains, qui disposent, pour la plupart, d’une radio et d’un téléviseur. Plus de 80% des familles possèdent un réfrigérateur, un ventilateur et autres appareils électriques. Amir Valle (2010), La Havane Babylone. La prostitution à Cuba. Paris : Ed. Métaillié,  p. 194.

Avec deux nuances de taille cependant : la titimanía ne souffre ni de la censure ni de l’opprobre populaire. Et, surtout, il ne s’agit plus d’une prostitution de subsistance car la situation matérielle des Cubains s’est grandement améliorée depuis le début de la Révolution15, en particulier, depuis l’entrée de Cuba au sein du Conseil d’aide mutuelle économique (CAME). Par ailleurs, la mise en place de marchés parallèles où l’on vend des aliments et des produits de base fait que les besoins alimentaires de la population sont, dans l’ensemble satisfaits.

Toutefois, on commence à percevoir les signes d’« un rejet d’une forme de vie éloignée des aspirations d’une certaine jeunesse » (Gay-Sylvestre, 2006 : 180) qui auraient dû alerter les autorités et la FMC.

A côté de la titimanía qui touche surtout une population autochtone, les « afroputes » et les « putishas » sont, elles, d’une autre catégorie. L’écrivain togolais Sami Tchak, auteur de La prostitution à Cuba et qui a longtemps séjourné à Cuba, où il a fait ses études, évoque les « afroputes » en ces termes :

Note de bas de page 16 :

 Il s’agit des étudiants africains accueillis par Cuba dans le cadre d’échanges internationaux.

« Nous exhibions16 devant les Cubaines des dollars, des parfums, des savonnettes seulement disponibles dans les boutiques en devises. Par ces petites choses, nous les séduisions facilement. Elles se donnaient aux uns et aux autres dans l’espoir d’avoir des cadeaux » (Tchak, 1999 : 62).

Note de bas de page 17 :

 A l’inverse, les pinguishes sont les Noirs et métis cubains qui entretiennent des relations sexuelles avec des femmes russes.

Note de bas de page 18 :

 A Santiago de Cuba, Cienfuegos, Jagüey Grande, Camagüey, La Havane.

Les putishas17, quant à elles, entretiennent des relations sexuelles avec les Russes (les bolos). La situation privilégiée dont ils jouissent sur l’île: logements dans des quartiers résidentiels18, possibilités accrues de ravitaillement, … présentant des avantages matériels incontestables.

Ces relations débouchent parfois sur un mariage ou un départ à l’étranger (Afrique ou Union Soviétique), mais les Cubains ne les voient pas d’un œil aussi complaisant. De fait, elles sont doublement répréhensibles : en vertu de la morale socialiste et de la condamnation explicite d’une relation d’exploitation et d’humiliation et parce qu’il s’agit d’étrangers.

Note de bas de page 19 :

 On ignore le chiffre de ces prostituées et rares sont les documents qui font état à la fois des afroputes et des putishas.

Cette prostitution, connue de tous, est passée sous silence par les autorités19. La FMC qui a mis en place une politique d’éducation sexuelle massive ne la considère pas comme faisant partie de ses priorités.

Note de bas de page 20 :

 En 1986.

A la fin des années 80, l’économie cubaine traverse une phase difficile aggravée par l’échec de la renégociation de la dette avec le Club de Paris20. Il faut augmenter la productivité grâce à une économie diversifiée et, une nouvelle fois, faire appel au travail volontaire de masse. Les marchés libres paysans qui avaient permis à la population de disposer d’une alimentation plus variée et abondante, sont supprimés et remplacés par les trois « monos » : monoculture, monoexportation, monoproduction (Holgado Hernandez, 2002 : 25).

En 1986, à l’issue du III Congrès du Parti Communiste de Cuba, Fidel Castro lance la campagne de « rectification des erreurs et des tendances négatives ». Le nombre de fonctionnaires de l’État et du Parti est réduit de moitié tandis que les secteurs agricole, de l’éducation et de la santé connaissent une baisse significative de leurs effectifs. L’altruisme citoyen, les stimulants moraux sont alors largement utilisés. La lutte contre la corruption est mise en avant et il devient urgent de redynamiser le projet socialiste prôné par la Révolution à travers l’Homme nouveau.

C’est le moment (1987) que choisit la revue Somos Jóvenes pour publier l’article de l’un de ses journalistes, Luis Manuel García Méndez, intitulé « Le cas Sandra ». On y découvre le monde de la prostitution, décrit avec minutie, à travers le récit de la vie de Sandra, enfant violée, puis prostituée de bas étage, prostituée de luxe dans des maisons de passe, prostituée pour touristes (Italiens, Espagnols, Mexicains) en quête de sexe facile.

L’auteur y fait une critique sévère d’un tourisme fondé sur le marché noir, la contrebande de devises, la prostitution, l’instauration de boutiques intur « boutiques pour touristes », qui entraînent inéluctablement une « perversion de l’intégrité idéologique » des jeunes cubains (Garcia Mendez, 1987 : 80).

La prostitution homosexuelle, le monde des proxénètes y sont révélés de même que la corruption policière, celle des chauffeurs de taxis, des portiers d’hôtels ; sont évoquées les maladies sexuellement transmissibles, notamment le SIDA)…

Luis Manuel García propose enfin une réforme du Code Pénal afin que la prostitution ne soit plus considérée comme un « état dangereux » mais comme un délit et que des peines sévères soient prononcées à l’encontre de tous ceux qui la favorisent.

L’article est explosif ! Les questions posées aux autorités par le journaliste, très embarrassantes, laissent percevoir une déliquescence des valeurs morales par ceux-là mêmes dont la fonction est de les faire respecter : le Parti, le CDR, le centre de travail du père de Sandra, les organisations sociales, politiques, les organisations d’étudiants, les éducateurs. Tous, à des degrés différents, sont mis en cause.

La réaction des autorités est immédiate. Le cas Sandra est une pure invention. Mensonges, les assertions du journaliste concernant l’existence d’une prostitution plus vaste, aux nombreuses ramifications. Toujours est-il que la directrice de la revue est écartée et remplacée, la politique éditoriale revue et Luis Manuel García condamné à remplir la rubrique « Curiosités et histoire antique ».

Le « Cas Sandra » est « oublié »... Mais il a mis en avant un réel mal-être sociétal qui souligne les difficultés d’un régime dont les actions en faveur des femmes avaient été qualifiées par Fidel Castro de « révolution dans la Révolution ».

Dans les campagnes, dans les grandes villes, dans la capitale, les signes d’une rupture économique avec l’Union Soviétique se font de plus en plus sentir. En 1990, la situation devenant critique, Fidel Castro lance ce qu’il va appeler la Période Spéciale en temps de Paix. Il s’agit désormais pour la population cubaine de resolver, c’est-à-dire de résoudre par tous les moyens les problèmes d’une existence quotidienne rythmée par une recherche alimentaire effrénée.

Note de bas de page 21 :

 Magasins où les produits sont vendus exclusivement en dollars.

Les années 92 et 93 sont les plus dures : un grand nombre de produits alimentaires de base disparaît, d’autres sont rationnés ou ne se trouvent que dans les chopin21; les produits destinés à l’hygiène personnelle sont distribués à la portion congrue (savon, dentifrice, serviettes hygiéniques), de même que les produits ménagers. Les cigarettes, le rhum même, sont répartis avec une extrême parcimonie. En 1994, la viande, les œufs, le lait, les légumes et les pâtes ont pratiquement disparu des rayons des magasins d’état. Les Cubaines doivent inventar pour resolver. Il n’y a pas d’autre alternative. En 1996, la dépénalisation du dollar aggrave la situation des Cubains qui ne reçoivent aucune aide de parents résidant à l’étranger.

Les femmes sont les plus touchées par la crise. Leur journée s’allonge considérablement : il n’y a pas de combustible pour faire la cuisine, l’eau potable faisant souvent défaut (il faut aller chercher l’eau dans des réservoirs où les mesures sanitaires ne sont pas respectées, entraînant des infections de toutes sortes) ; les pannes de courant sont innombrables, il n’y a pas ou plus de transport (il faut se rendre à pied au travail ou en bicyclette). Le troc, le marché noir ne suffisent plus pour resolver.

Se « rapprocher » des touristes devient alors, pour un certain nombre de Cubaines, l’ultime solution face à une situation qu’elles ne peuvent plus gérer. D’autant que pour faire obstacle à une conjoncture qui devient extrêmement critique, voire explosive, le gouvernement fait le choix stratégique de faire du tourisme son entrée principale de devises.

Luchar, inventar, resolver, lutter, inventer, résoudre… Dans un pays en crise, où la vie est devenue un combat quotidien, des mères de famille (parfois d’ailleurs avec la complicité du mari ou du compagnon), des étudiantes, des professionnelles (médecins, ingénieurs, avocates,…) vont trouver dans des rencontres fortuites avec des étrangers, la façon de résoudre un problème qui est devenu une angoisse récurrente : celui de la nourriture. En échange de faveurs sexuelles monnayées, elles ont enfin accès aux dollars, peuvent nourrir leur famille, être invitées au restaurant, recevoir des cadeaux (savon, chaussures,…).

Alertée, la FMC a recours aux Comités de Défense de la Révolution (CDR) qui lui signalent les comportements jugés antisociaux. Des fédérées interviennent alors pour persuader les jineteras, occasionnelles ou non, qu’elles sont dans l’erreur, que la Révolution attend d’elles un tout autre comportement.

Note de bas de page 22 :

 Le terme « jinetero » est officiellement retenu en 1988, dans l’œuvre De lo popular y lo vulgar en la década del 80 de Carlos Paz Pérez (article inédit de Myriam Rosa Elizalde), février 2011.

Note de bas de page 23 :

 Il est interdit aux Cubains de posséder des devises étrangères.

Pour la population cubaine, il ne s’agit pas de prostitution. Le terme jineterismo22ne renferme d’ailleurs, dans les premiers temps, aucune connotation sexuelle.Cette appellation qui vient de jinetero, celui qui monte à cheval, devient, au figuré, celui qui exploite une autre personne, celui qui est en contact avec des étrangers, se consacre au trafic d’articles importés, de devises et fait du marché noir23.

Note de bas de page 24 :

 En 1998, la situation économique empirant, le riz, le sucre, le café - aliments de base -, font cruellement défaut.

Né et renforcé par une situation de crise dramatique, il est généralement considéré avec indulgence et compréhension par la population parce qu’il est impossible d’accéder aux produits de consommation courante par des méthodes traditionnelles et « socialement légitimes ». La souffrance et l’avilissement que représentent la prostitution, la perte de l’estime de soi sont tus. Il faut luchar et resolver, c’est-à-dire satisfaire les besoins (alimentaires de base en particulier) de la famille24. Aussi la jinetera n’est pas, dans un premier temps, une prostituée comme les autres.

Mais faisant fi de tous les préceptes socialistes inculqués depuis les débuts de la Révolution, contre l’exploitation de l’homme par l’homme, et les vertus de l’Homme nouveau capable de renverser un ordre corrompu par l’argent, le proxénète entre en scène.

Des jeunes filles de l’intérieur (guajiras), sans emploi le plus souvent, issues de milieux défavorisés, qui connaissent des conditions d’habitat précaires, attirées par les « perspectives » qu’offrent les touristes dans les grandes villes, dans la capitale en particulier, vont constituer des proies faciles pour les proxénètes.

Note de bas de page 25 :

 Article inédit de Myriam Rosa Elizalde.

Note de bas de page 26 :

 Au cours d’une entrevue qu’il octroie à la télévision cubaine en 1992, Fidel Castro lui-même admettra qu’il existe une prostitution à Cuba - la plus saine au monde.

Sur internet, des slogans publicitaires qui ne sont pas sans rappeller ceux de l’époque de Batista font de Cuba un lieu paradisiaque et « un laboratoire social »25 enchanteur. Cible privilégiée, le tourisme masculin à qui l’on garantit la compagnie de mulâtresses et de Noires en bonne santé26 et d’un niveau d’instruction généralement élevé.

Note de bas de page 27 :

 Des jeunes filles (il n’est pas rare d’en voir se prostituer dès l’âge de 13-14 ans) se livrent au jineterismo, souvent en cachette de leurs parents, mais parfois aussi avec leur complicité, voire même avec leur consentement.

Le jineterismo redevient la « maladie sociale » dont la Révolution avait eu tant de mal à se débarrasser27. Un monde parallèle se construit autour des prostituées, des proxénètes, des portiers d’hôtels, des chauffeurs de taxis, des policiers,…

Note de bas de page 28 :

 Au bout de trois avertissements les prostituées sont arrêtées et conduites dans des centres d’internement à la campagne afin d’y être rééduquées et réinsérées dans la société.

Le gouvernement prend alors des mesures répressives et lance une opération de grande envergure, appelée « Opération Lacra (gangrène) ». Un nouveau corps de police est créé afin d’éradiquer à la fois le jineterismo, la corruption et la délinquance. Les lieux stratégiques (discothèques, hôtels, avenues) sont surveillés ; certains, fermés. La police est renforcée dans les lieux les plus touristiques (Varadero, le Malecón à La Havane,…) et nombre de proxénètes et de jineteras écopent de lourdes peines de prison28.

La répression n’a pas les effets escomptés : la prostitution se fait juste plus discrète tandis que l’économie informelle dont les ramifications sont nombreuses poursuit son développement. Les hôtels étant moins accessibles, les jineteras proposent aux touristes (Espagne, Italie, Allemagne, Canada et Mexique) de les recevoir « chez l’habitant ». Une prostitution plus clandestine se constitue alors; de véritables réseaux se construisent, transformant plus profondément encore le caractère initial du jineterismo.

Puis, à partir de 2007, les hôtels deviennent accessibles aux Cubains. Les touristes étrangers ont aussi la possibilité, s’ils le souhaitent, de louer une chambre chez l’habitant. Officiellement, il leur est interdit de recevoir des jineteras dans la journée. Plus discrètes qu’autrefois, elles sont malgré tout reconnaissables à leur tenue vestimentaire ou à leur allure. Les propriétaires qui passent outre cet interdit, s’ils sont découverts ou dénoncés, risquent de perdre leurs maisons.

Les Cubains perçoivent leur salaire ou leur pension en monnaie nationale. Or la plupart des produits et biens de consommation sont à régler en pesos CUC. Certes, la vie a changé depuis la Période Spéciale en temps de Paix, mais la vie quotidienne reste très difficile. Accepter de recevoir une jinetera est dangereux, mais présente aussi des avantages financiers. Le plus souvent les Comités de Défense de la Révolution eux-mêmes ferment les yeux. Ce qui était autrefois intolérable, inadmissible, fait partie du quotidien et est accepté comme tel.

Note de bas de page 29 :

 Sutout des Espagnols (Galiciens) et des Italiens.

Cette situation donne au jineterismo une tout autre connotation. Loger chez l’habitant rend les rapports client/jinetera différents. Il n’est pas rare de voir un touriste revenir à Cuba plusieurs fois29 dans l’année pour y retrouver la même jinetera. La relation se prolongeant, des relations de couple se nouent. La différence d’âge ne compte pas ; au contraire, c’est la garantie d’une durée dans le temps.

Bon nombre de ces « geishas de l’hémisphère occidental » (Chaviano, 1998 : 42) n’ont qu’un souhait : se marier avec un étranger et quitter Cuba. Elles pourront y revenir, mais avec un autre statut et aideront leur famille restée sur l’île (principale bénéficiaire du jineterismo).

Mais ce rêve est aussi celui de nombreuses Cubaines qui se refusent à pratiquer la prostitution et préfèrent lutter différemment. Toutefois il n’y a aucun mépris, aucun rejet dans leurs propos lorsqu’elles évoquent le phénomène du jineterismo.

Il y a un malaise au sein de la société cubaine. La chappe de plomb dont les autorités entourent le phénomène de la prostitution est significative. On essaie de l’expliquer par une crise de valeurs morales, chez les jeunes en particulier. Certes, ils  n’ont pas fait la Révolution, mais ils ont un sentiment patriotique et un idéal socialiste très poussés. Toutefois, confrontés à la dure réalité quotidienne du monde qui les entoure, au luxe et à la facilité apparents du monde capitaliste, les jeunes se prennent à rêver à un monde différent. Qui pourrait leur en vouloir ? Les Cubains, quels qu’ils soient, retraités ou en activité, aiment profondément leur île. Les acquis de la Révolution, incontestables (santé, éducation), ne sont pas remis en cause, mais l’absence de perspectives est un frein terrible qui permet d’expliquer parfois, s’il ne le justifie pas, le recours au jineterismo.