Introduction

Legros Valérie
Perret Laetitia

Texte intégral

Cette livraison de DIRE entre dans la continuité d’un travail engagé depuis plusieurs années sur l’analyse de manuels scolaires anciens. Après avoir étudié l’utilisation de livres scolaires anciens pour la formation des enseignants (Bianchini, Moyon, 2014), après avoir exploré les problèmes méthodologiques posés par leur analyse (Perret, 2015), il s’agira ici d’interroger la place et le rôle des illustrations dans les manuels scolaires anciens et récents, c’est-à-dire des livres datant des XIXe, XXe et XXIe siècles.

La place de l’image dans les manuels scolaires est aujourd’hui majeure, quelle que soit la discipline ou le niveau (primaire, collège, lycée). Les illustrations occupent des surfaces très importantes dans les pages des manuels. Le cadre de la double page semble aujourd’hui devenu une norme pour les auteurs/autrices et les éditeurs/éditrices de manuels scolaires dans beaucoup de disciplines. En histoire-géographie ou en sciences, l’organisation en double page représente jusqu’à 80 % de la composition totale du manuel.

Cette situation de surprésence des images dans les manuels n’a pas toujours été. Si l’image est considérée comme outil pédagogique depuis le XVIe siècle (Renonciat, 2011), c’est entre 1870 et 1960 que les images se développent dans les manuels. L’évolution des techniques d’imprimerie a en effet permis de développer la présence des illustrations dans ces ouvrages destinés à un public jeune (Choppin, 1992).

Ces différents éléments ont conduit les chercheur.es à s’interroger sur la place et la fonction de ces illustrations dans les manuels scolaires La présence des images est analysée dans une perspective comparative passé-présent qui interroge leur rôle dans la composition des manuels (dimension esthétique) ou dans la construction des apprentissages des élèves (dimension cognitive, pédagogique et didactique). L’utilisation des illustrations dans les démarches pédagogiques proposées dans les manuels scolaires, anciens et récents, interroge également leur rôle dans la construction des didactiques des disciplines, voire même dans la construction des disciplines scolaires.

Les articles compilés dans ce numéro explorent différents champs disciplinaires de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire français.

Note de bas de page 1 :

CPER, axe 3 : Innovation, industries culturelles et valorisation du patrimoine, Thème 2 : Valorisation culturelle et éducatives des données patrimoniales numérisées.

Quatre articles sont issus d’une journée d’étude qui a eu lieu le 9 novembre 2016, à l’ESPE de l’Académie de Poitiers. Elle était organisée par Hugues Marquis et Laetitia Perret dans le cadre du CPER 2015-20201 intitulé « Valorisation du patrimoine d’éducation en Poitou-Charentes » qui vise à faire connaitre le fonds pédagogique hérité des écoles normales primaires de La Rochelle, Poitiers, Angoulême et Niort. L’article de Muriel Coret, Denis Gaume et Stéphanie Volteau utilise ce fonds, ceux de Catherine Faure, Claudia Frizzarini et Valérie Legros explorent le Fonds d’histoire de l’éducation de l’université de Limoges, dépôt des ouvrages hérités des écoles normales d’instituteurs et d’institutrices de la Creuse et de la Haute-Vienne.

Note de bas de page 2 :

L’ensemble des articles des journées est en ligne à l’adresse http://www.fde.umontpellier.fr/internet/site/cedrhe/jepg/modele/index.php?f=index.

Les articles de Jean-Pierre Chevalier et Pascal Lenoir constituent des versions remaniées et actualisées de communications effectuées lors de la 8ème Journée d’étude Pierre Guibbert, Les images dans les manuels scolaires2, qui a eu lieu à l’IUFM de Montpellier, le 1er février 2012.

Six articles composent ce numéro :

  • L’objectif de l’article de Claudia Frizzarini et de Valérie Legros est de repérer des savoirs mathématiques apparaissant dans les illustrations d’ouvrages d’arithmétique et de travaux manuels parus pendant les premières décennies de la Troisième République. L’étude descriptive identifie des savoirs mathématiques présents dans les manuels d’arithmétique, surtout dans les parties sur la géométrie pour aider les élèves à se représenter mentalement ces savoirs, et dans les livres de travail manuel destiné aux garçons où ils ont plutôt une vocation d’outils au service de la réalisation d’un objet. Au-delà les images ont surtout un intérêt descriptif de lien entre les notions travaillées et leur expression dans la vie quotidienne des élèves.

  • Muriel Coret, Denis Gaume et Stéphanie Volteau ont focalisé leur étude sur les illustrations présentes dans les manuels de grammaire, particulièrement sur la construction de la catégorie du verbe entre 1845 et 2017. Une fois constatée le faible nombre d’images dans les manuels de grammaire, l’analyse du corpus permet de distinguer différentes fonctions de l’image dans les manuels de grammaire et permet de poser les premières bases d’une typologie.

  • Catherine Faure étudie les représentations de Clovis et des Mérovingiens dans les illustrations des manuels scolaires d’histoire et leur évolution depuis la fin de la Troisième République. Cette étude descriptive est faite en fonction de l’évolution de la discipline scolaire qu’est l’histoire, passant d’une histoire comme récit national à une histoire basée sur l’analyse de sources. Elle prend également en compte l’évolution des savoirs scientifiques : la période mérovingienne était considérée jusqu’aux années 1980 comme étant en rupture avec l’Antiquité pour être ensuite analysée comme une période de transition.

  • Pascal Lenoir travaille sur des manuels de l’enseignement secondaire en espagnol. Son approche diachronique court tout au long du XXe siècle jusqu’au début du XXIe. Son étude identifie un usage différencié de l’image en espagnol en fonction des différentes méthodologies d’apprentissage prônées par le ministère de l’éducation nationale.

  • Jean-Pierre Chevalier propose ici une synthèse très documentée de la production de manuels scolaires de géographie et de leur utilisation de l’iconographie, depuis le début du XVIIIe siècle jusqu’aux nouveaux programmes pour l’école primaire de 2015. L’étude des illustrations est menée en parallèle des évolutions techniques de l’imprimerie et de l’épistémologie de la discipline géographie.

  • Enfin, pour boucler ce parcours au fil de différentes disciplines, Laetitia Perret synthétise les questionnements et problèmes posés aux chercheurs et chercheuses qui s’aventurent à décrypter les images présentes dans les manuels scolaires, leurs places, et surtout leurs rôles dans les différentes didactiques disciplinaires, tout comme dans l’évolution des disciplines scolaires elles-mêmes. Le nombre d’images progresse en effet différemment selon les disciplines, les niveaux et les publics. La place de l’image dépend en à la fois des possibilités techniques de l’époque considérée, du rôle que l’institution lui accorde, et des politiques de chaque éditeur.