Maladies de dépôts d’immunoglobuline monoclonale ou MIDD


Néphropathies tubulaires

Néphropathie à cylindres myélomateux (NCM).

C’est une complication fréquente des myélomes de forte masse tumorale avec excrétion urinaire abondante de chaîne légère monoclonale (protéinurie de Bence Jones). Elle résulte d’altérations du tube contourné proximal (TCP) induites par la réabsorption massive de chaînes légères, et de la formation de cylindres constitués de chaînes légères et de protéine de Tamm-Horsfall dans le tube distal. Le débit de la protéinurie de Bence Jones (2g/j), la déshydratation, l’infection, l’hypercalcémie, l’administration d’iode ou de médicaments néphrotoxiques favorisent la NCM. Elle se manifeste par une insuffisance rénale (IR) nue, accompagnée d’une altération de l’état général et de douleurs osseuses liées au myélome. La protéinurie (parfois non détectée par les bandelettes urinaires) est constituée majoritairement (70%) de chaînes légères en électrophorèse. La ponction-biopsie rénale (PBR) est indiquée surtout en cas de présentation atypique. Elle montre des cylindres protéiques fracturés polychromatophiles (présentant souvent une organisation cristalline en ME) dans la lumière des tubes distaux, et un infiltrat inflammatoire interstitiel à cellules géantes multinucléées. Le traitement de la NCM repose sur l’élimination des facteurs favorisants, la réhydratation, et l’alcalinisation des urines pour limiter la précipitation des chaînes légères. La chimiothérapie doit être précoce et basée sur des protocoles modernes comportant de la dexamethasone (dex) (type dex + bortezomib) éventuellement suivis d’une chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques.

Syndrome de Fanconi (SF).

Il s’agit d’une tubulopathie proximale (hypouricémie, hypophosphatémie par fuite urinaire, glycosurie, aminoacidurie et acidose tubulaire proximale), liée à la précipitation (souvent sous forme de cristaux) de chaînes légères kappa dans le compartiment endo-lysosomal du TCP. Le SF se traduit par une insuffisance rénale chronique et une ostéomalacie et révèle souvent une gammapathie monoclonale isolée (MGUS) ou un myélome de faible masse tumorale. Les chaînes légères kappa responsables de SF appartiennent majoritairement au sous groupe Vkappa1. Les cristaux sont constitués du seul domaine variable Vkappa1, porteur de mutations lui conférant une résistance à la protéolyse par les enzymes lysosomales du TCP (cathepsine B).

Néphropathies glomérulaires à dépots organisés d’Ig monoclonales

La présentation rénale typique de ces néphropathies est celle d’une insuffisance rénale avec protéinurie abondante souvent néphrotique, avec (sauf dans l’amylose) hématurie et HTA

Amylose AL et amylose AH:

L’amylose AL survient généralement dans le contexte d’une MGUS ou d’un myélome de faible masse tumorale. Les manisfestations générales sont fréquentes : asthénie, macroglossie, cardiopathie restrictive, neuropathie périphérique et autonome, hépatomégalie, purpura. Les dépôts amyloïdes au rouge Congo positifs, organisés en fibrilles de 7 à 12 nm de diamètre, sont de topographie glomérulaire, tubulaire et vasculaire. Ils sont constitués le plus souvent de chaîne légère lambda (notamment Vlambda 6) dans l’amylose AL et de chaîne lourde gamma tronquée dans l’exceptionnelle amylose AH.

GN à dépôts organisés microtubulaires d’Ig monoclonales ou GOMMID 

(pour Glomerulonephritis with Organized Microtubular Monoclonal Ig Deposits):

Encore appelées GN ‘‘immunotactoïdes’’ aux USA, elles se définissent par des dépôts glomérulaires extra-cellulaires d’IgG monoclonale, organisés en microtubules de 10 à 60 nm de diamètre disposés en faisceaux parallèles. Les dépôts glomérulaires sont constituées d’IgG1, ou d’IgG2, ou d’IgG3, associés le plus souvent à une chaîne légère kappa, mais ne contiennent jamais d’IgG4 (à la différence des GN fibrillaires pseudo-amyloïdes). Les manifestations extra-rénales sont rares, certains patients pouvant présenter des manifestations cutanées ou neurologiques périphériques. Le traitement de l’hémopathie sous jacente (leucémie lymphoïde chronique le plus souvent) entraîne une amélioration parallèle des anomalies rénales et hématologiques.

GN des cryoglobulinémies de type I:

Elles prennent la forme histologique d’une GN membrano-proliférative avec thrombi capillaires et dépôts glomérulaires (le plus souvent IgG kappa) organisés de façon inconstante en microtubules, voire en cristaux. Il n’y a pas de parallélisme entre l’évolution de la GN et le taux de la cryoglobuline monoclonale, parfois indétectable. Une activation du complément et des manifestations extra-rénales (purpura, syndrome de Raynaud) sont fréquemment observés. La chimiothérapie, associée aux échanges plasmatiques dans les formes sévères, s’avère généralement efficace.  

Néphropathies glomérulaires à dépots non-organisés d’Ig monoclonales

Syndrome de Randall (LCDD, HCDD, LHCDD):

Les dépôts d’Ig monoclonale de type Randall diffèrent de l’amylose par l’absence d’organisation fibrillaire et d’affinité pour le rouge Congo. Ils prédominent au niveau des membranes basales du rein et de nombreux organes, mais les manifestations extra-rénales symptomatiques sont plus rares que dans l’amylose. La présentation rénale est voisine, avec une fréquence plus élevée de l’hématurie et de l’HTA. Dans le rein, les dépôts, linéaires, sont constamment visibles en immunofluorescence le long des basales tubulaires. Les dépôts vasculaires et glomérulaires sont habituels, souvent associés à des lésions de glomérulosclérose nodulaire (constante dans les HCDD). L’isotype kappa (Vkappa 4) prédomine dans les LCDD, alors que les dépôts sont constitués de chaîne lourde tronquée (délétion du CH1) dans les HCDD. Le traitement est proche de celui de l’amylose AL, l’association à un myélome de forte masse tumorale étant plus fréquente.

Glomérulopathies à dépôts non-organisés et non-Randall d’Ig monoclonale:

Il s’agit d’une entité rare, qui diffère du syndrome de Randall par l’absence de dépôts péri-tubulaires et péri-vasculaires, ainsi que par la topographie et l’aspect différents des dépôts glomérulaires. Il s’agit d’une maladie limitée au rein, sans aucune manifestation systémique. En microscopie optique, les lésions prennent habituellement la forme d’une GN membranoproliférative ou extra-membraneuse atypique. Les dépôts glomérulaires d’Ig monoclonale (entière ou chaîne légère seule), granulaires, associés à des dépôts de C3, sont de localisation mésangiale, sous-épithéliale et/ou sous endothéliale. La présentation rénale est généralement celle d’une insuffisance rénale avec syndrome néphrotique impur, avec des stigmates d’activation du complément dans 25% des cas. La chimiothérapie permet d’améliorer ou de stabiliser les manifestations rénales chez la moitié des patients.