Les cinq thèmes du colloque

Les médecines alternatives, traditionnelles ou syncrétiques, et les thérapies complémentaires (appelation officielle donnée par l’Académie Nationale de Médecine, Rapport 2013), telles que l’hypnose, l’osthéopathie, la sophrologie, l’acupuncture, etc., connaissent aujourd’hui un développement et un succès auprès des malades assez remarquables. Ce succès pose à la communauté  scientifique et à l’ensemble de la société des questions pressantes, dont certaines relèvent très directement du champ sémiotique, et ont trouvé leur première formulation naguère, sous la plume de Lévi-Strauss avec le concept d’efficacité symbolique.

L’évaluation comme placebo, qui paraît concerner un grand nombre de thérapies, bio-médecine comprise, ne signifie nullement que ces thérapies sont inefficaces, mais qu’il est pour le moment difficile d’expliquer, et parfois de mesurer, leur efficience thérapeutique dans l’état actuel des connaissances de la recherche scientifique médicale. L’une des voies à explorer pour mieux comprendre l’efficience de ces médecines, qu’elles tombent ou non sous le faux couperet de l’effet placebo, réside sans doute dans l’interaction tissée entre l’espace corporel lui-même et l’espace symbolique qui accompagne nécessairement toute pratique médicale.

Sans présumer des résultats, de leurs disparités éventuelles ou de leur cohérence en fonction des pratiques, il est donc urgent de reposer la question de l’efficacité symbolique et de la confronter à l’efficience thérapeutique des médecines actuelles. Quitte, sans doute, à dépasser la notion, à la refuser ou simplement à la reformuler, pour notamment briser le dualisme corps/langage qu’elle reconduit en partie. Les proposition d’une efficacité physio-sémantique (Le Breton), ou d’une efficacité physio-sémiotique vont, parmi d’autres dans ce sens.

La session « Efficacité symbolique et efficience thérapeutique» initiera ce programme en faisant dialoguer tout d’abord Chantal Wood, spécialiste de la prise en charge de la douleur, notamment par la technique non médicamenteuse que représente l’hypnose, et Jean-François Bordron, théoricien de la sémiotique et philosophe.

Le débat sera ensuite ouvert,  et alimenté par Jean-Marie Wirotius, à la fois médecin des hopitaux et spécialiste de la sémiologie des handicaps en médecine physique de réadaptation, par Giacomo Festi, chercheur italien auteur d’une thèse sémiotique sur l’ethno-psychiatrie et par Jérome Thomas, maître de conférences en SIC, spécialisé dans  l’analyse des soins d’urgence.

 

 

Patrimoine culturel : mise en scène et intégration de l’environnement socioculturel
et des modes de vie.

Pourquoi cette thématique ? On constate un engouement sans précédent pour le patrimoine,
qui se manifeste, entre autres, par des pratiques culturelles accrues de visites des sites, des
musées, des monuments. Il se traduit aussi par l’invention d’innombrables manifestations :
« journées du patrimoine », « nuit européenne des musées », fête « des lumières » à Lyon,
fête « des petits ventres » à Limoges, etc. Bref, « le patrimoine s’élargit, explose, se
fragmente, devient effet de mode » (Di Méo).
Les définitions de la notion de patrimoine sont très nombreuses. On constate un
déplacement de l’idée de patrimoine comme mode de savoir (le patrimoine, c’est à nous)
vers le patrimoine comme mode de l’être (le patrimoine, c’est nous) (Fabre). On ne
s’intéresse plus (ou moins) aux objets, mais aux sujets en situation parmi les objets et aux
usages sociaux du patrimoine. Celui-ci est identifié comme processus social qui se fabrique
(Davallon).
Par ailleurs, le patrimoine est un ensemble de biens, matériels ou immatériels, dont
l’une des caractéristiques est de permettre un lien entre les générations, tant passées que
futures, et qui, donc, est lié à un héritage à transmettre, issu de l’histoire, plus ou moins
ancienne, du territoire ou groupe considéré. La transmission s’inscrit clairement dans
l’économie du don : celui qui reçoit, l’héritier, est avant tout un endetté contraint de trouver
un repreneur à qui rendre ce qui lui a été confié.
Mais cet héritage d’une part n’existe pas a priori et d’autre part n’est pas un dépôt
inerte : il est créé, transmis de génération en génération, et recréé en permanence
(Vernières). C’est un construit social. Il n’existe pas a priori, même s’il est élaboré à partir de
biens existants, qui constituent en quelque sorte un patrimoine potentiel ou en puissance
(Vernières). Le patrimoine n’existe que si des groupes, constitués sur le territoire, le
conçoivent comme patrimoine, susceptible de participer à des pratiques spécifiques :
préserver, transmettre, respecter, valoriser, etc….
Pour qu’il y ait patrimoine, il faut que soient mis en œuvre des processus de
patrimonialisation, c’est-à-dire des processus d’affectation collective de sens.
Les processus concrets de patrimonialisation : ils vont de la prise de conscience
patrimoniale à la valorisation du patrimoine, en passant par les phases essentielles de sa
sélection et de sa justification, de sa conservation, sa restauration, son exposition, ainsi que
de sa mise en scène, sans oublier la reconstitution des pratiques et des formes de vie qui lui
sont associées. Les processus de patrimonialisation reposent sur des stratégies d’acteurs
(Di Méo) et s’inscrivent toujours dans un principe narratif. Les sciences du sens ont donc un
rôle à jouer.
De manière plus générale, les sciences humaines et sociales sont fortement
sollicitées. « Les œuvres ainsi préservées, accompagnées de métadonnées qui leur
associent le contexte historique et social de leur production, donnent une nouvelle dimension
aux activités intellectuelles et aux états émotionnels dont le patrimoine culturel peut être le
support » (Fontanille). Car, ne l’oublions pas, la création patrimoniale se dessine, s’accélère
et se diversifie principalement dans le cours ou à l’issue de périodes de crises intenses :
qu’elles soient d’ordres politique, idéologique, religieux, économique ou environnemental :
sans crise rurale pas de patrimoine du même nom, le goût pour les métiers anciens ou les
traditions culinaires sont liés à leur disparition dans la vie quotidienne ou professionnelle, etc.
La patrimonialisation commence souvent sur le fond de la menace, de la nostalgie, du
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risque, de la perte, ou de leurs inverses : l’exaltation, la revendication identitaire, etc. Elle
bénéficie alors, du point de vue du déploiement narratif, d’une dynamique émotionnelle
collective qui l’accompagnera tout au long du processus. Dans ces conditions, « l’élan
patrimonial semble constituer un indicateur du changement social qu’il accompagne » (Di
Méo).

Processus de décision et d’adoption des comportements

 

L’étude des processus qui déterminent le comportement, ses modifications, et notamment la manière dont les informations utiles sont aujourd’hui reçues, traitées, négligées ou rejetées est un enjeu majeur dans le domaine des sciences humaines, et notamment en sciences de gestion.

Ces dernières obéissent à une conception finaliste. Elles n’ont pas pour objet d’identifier des lois absolues, immanentes, mais d’atteindre des objectifs économiques dans un univers incertain et changeant. Globalement, ces objectifs reviennent à produire de la richesse ou à n’en pas détruire.

L’expérience montre que la variété des stratégies possibles est un facteur essentiel d’optimisation de l’objectif économique. Autrement dit, la libre concurrence est censée assurer la meilleure gestion des ressources humaines, matérielles et financières.

La concurrence implique que l’offre varie selon les offreurs. Pour être préférés, ils doivent affirmer leur différence en fonction de critères que les demandeurs perçoivent et apprécient. Malheureusement, la différence est une variable éminemment volatile, dépendant de l’évolution des modes de vie, des progrès techniques et des stratégies des concurrents, les trois facteurs interagissant constamment.

Les Sciences de gestion ont donc à la fois la chance d’un objectif précis – la profitabilité, c’est-à-dire l’aptitude d’une entité à générer du profit et la malchance qu’elles dépendent d’un facteur incertain, la difference, ce qui permet de distinguer deux objets, deux entités, deux personnes. L’étude du comportement des agents vise à surmonter cette difficulté.

 

Or, les comportements sont innombrables et interagissent souvent : l’individu n’est pas le groupe, la perception n’est pas la mémorisation, pas plus que la préférence n’est la décision d’achat, et la réalisation de l’acte diffère souvent de sa répétition.

Une multitude de variables de comportements sont donc susceptibles de déterminer la différenciation et la profitabilité des offreurs, et toutes ces variables ne peuvent pas s’additionner ou se soustraire comme si elles avaient le même rôle. Les ensembles de variables eux-mêmes sont flous, d’autant qu’un souci de clarté ou de nouveauté, favorisé par la multidisciplinarité des Sciences Humaines et par les progrès technologiques risque parfois d’amplifier le chaos théorique. Quels sont les principaux concepts et démarches utilisés dans le domaine des sciences de gestion pour identifier et analyser les variables de comportement en vue d’établir une relation durable et mutuellement profitable, symbolique ou matérielle, entre offreurs et demandeurs ?

Quelles sont les limites de ces concepts et démarches ?

Quels concepts et méthodes sémiotiques permettent d’interroger ces pratiques et interactions sociales ? Quels points de vue adoptent les sémioticiens ?

Il existe d’autres cas de programmation ou non programmation de la décision.

Ces concepts, peuvent-ils s’étendre aux autres cas de prise de décision ayant un impact public et/ou collectif ?

 

La session « Processus de décision et d’adoption des comportements » initiera ce programme en faisant dialoguer tout d’abord Jacques-Marie Aurifeille, professeur, spécialiste de marketing et de l’étude des processus de décision et Per Aage Brandt, sémioticien et linguiste.

Le débat sera ensuite ouvert et alimenté par Erik Bertin, directeur Général Adjoint en charge des Stratégies, MRM//McCANN, et intervenant à Sciences Po, Eric Landowski (DR émérite CNRS, membre du CeReS, Actes Sémiotiques) et Didier Tsala-Effa, Maitres de conferences, à l’Université de Limoges et membre du CeReS.

 

Autoroutes et territoires, parcours et flux

 

De l’information en tant que πληροφορία (plérophoria) adossée à la pleine assurance, la conviction et la confiance, à sa désignation par Shannon et Weaver comme substance qui prend forme de message suite à l’application d’un code, par Henri Atlan en biologie, où on parle de molécule « porteuse d’information » quand on se réfère aux caractéristiques fonctionnelles de l’ADN via le rôle fondamental de ces molécules dans la transmission des caractéristiques d’un être vivant, par Claude Baltz pour qui l’information ne vaut que par son sens, … que serait l’information pour la sémiotique ?

C’est la question que nous souhaitons mettre au centre de la réflexion en fonction de l’actualité de ce terme dans la vie sociale, les pratiques de communication et de gestion des processus adossés à ces pratiques. Pour penser sémiotiquement le cycle de « sa conception à sa circulation et à sa réception » mais aussi, ce qui est caractéristique des dispositifs actuels, à sa propagation massive, il paraît spontanément nécessaire – y compris et surtout pour le projet sémiotique – de faire abstraction des théories mathématiques de l’information, de poser ainsi une barrière « claire et nette » aux approches statistiques et probabilistes, puisqu’elles compilent et mesurent des données sans tenir compte de leur cohérence ou de leur incohérence sémantique.

Toutefois, puisque une série  de caractères, même arbitraire et sans cohérence, constitue une structure séquentielle, n’y aurait-il pas là quelque intérêt à relire Shannon à la lumière d’une sémiotique de la valeur « quantitative » de l’information ? En effet, puisque la sémiotique de l’école de Paris isole l’information de sa réception, ne pourrions-nous  postuler que l’information est une entité autonome dont la structure porte la « quantité » de rupture censée s’introduire dans une situation de réception supposée ? Et, d’autre part, si l’information peut être définie comme une différence qui crée la différence (Bateson) la perspective d’interroger les cultures contemporaines comme des formes d’une « logistique » de l’information devient séduisante.

Nous pouvons également revisiter d’autres théories classiques de l’information : la critique du schéma mécaniste (Escarpit, par exemple), la théorie générale d’information, aux confins de la physique et de la sociologie, d’un Moles pour définir un cadre de réflexion sur le rôle de l’information dans les modes d’interaction actuellement partagés par le plus grand nombre. Nous pourrions, assurément, convoquer la réflexion, récente, d’ Y. Jeanneret discutant et par là confrontant deux statuts pour l’information à l’occasion des technologies numériques afin de tester la pertinence du paradigme de l’information sociale.

Force est de constater que nombreux sont les travaux en sciences humaines qui, traitant de l’information, s’en tiennent à une approche superficielle de celle-ci  parce que ce champ d’investigation « trivial » est jugé « trivial ». En sciences humaines, « l’information » n’est elle pas sacrifiée au bénéfice de la « communication », souveraine des problématiques contemporaines lesquelles, justement, ont parfois comme seule visée de combattre « l’information » ? Les théories mathématiques, ou plutôt leur utilisation « à tout va »  semblent devenues la bête à abattre, malgré les avertissements de chercheurs éclairés qui, bien que conscients des limites de ces théories pour l’analyse de la communication sociale,  n’ont pas sous-estimé leur force opératoire car, justement, elles permettent de nourrir le débat épistémologique de matière critique.

 

Il nous semble alors utile et pertinent de discuter une sémiotique de l’information en référence aux positions épistémologiques de Brillouin (1959), qui définit l’information comme le résultat d’un choix, tout en précisant que

 

nous ne la considérons pas comme le point de départ d’une prévision, comme un résultat permettant de faire un autre choix. Nous laissons de côté la valeur humaine de l’information. Nous attribuons une certaine valeur d’information à un ensemble de 100 lettres sans chercher si cet ensemble a un sens en langue anglaise et si, cela étant, la phrase obtenue a une quelconque importance pratique. Selon notre définition, nous donnerons la même valeur d’information à 100 lettres prises au hasard et à une phrase de 100 lettres tirée d’un journal, d’une pièce de Shakespeare ou d’un théorème d’Einstein. En d’autres termes, nous définissons l’  « information » indépendamment de la « connaissance » à laquelle nous ne pouvons attribuer de valeur numérique.

 

Ces  « remarques générales », qui se différencient nettement des principes directeurs de l’économie de la recherche selon C.S. Peirce, interpellent les sémioticiens (même non avertis en matière d’équations de ce type) car Brillouin en définissant ce que l’information « est » pour le chercheur en physique, soit une valeur statistique, révèle ce que l’information « n’est pas » pour le projet scientifique de la physique, soit une valeur sociale, tout en (nous) obligeant à formuler ce que peut être l’information pour des observateurs des faits culturels que sont les sémioticiens.

 

A partir de l’acceptation (ou non) de l’information comme arbitraire, et en se fondant sur leurs réflexions sur l’information massive et leurs pratiques concrètes de traitement de ces corpus massifs,  les contributeurs nous permettront d’approfondir les questions relatives à la relation entre information et culture, l’objectif étant décrire et d’analyser les processus de production du sens par l’information dans l’univers numérique des sociétés contemporaines.

 

Qu’opère-t-elle dans ce processus englobant qui est celui de sa communication ? Comment manifeste-t-elle ses conditions de circulation en tant qu’objet d’une éternelle transition ? Quels sont les fondements de son énergie sémiotique ? Si, dans le fil de Baltz, l’information ne vaut que par son sens, demandons-nous également quels sont les effets spéciaux de l’information véhiculée –  sinon produite –  par les techniques du numérique, à savoir les techniques les plus massives mais aussi les plus éphémères qui soient.

 

Pour résumer, ce que nous souhaitons, à partir des travaux du colloque «Défis de la sémiotique », c’est :

–       contribuer à une étude sémiotiquement effective entre « information » et « communication » qui traiterait de leur distinction en privilégiant la première et qui irait au-delà de leurs définitions respectives vers la configuration de l’espace sémiotiquement conceptuel de l’information ;

 

–       définir les conditions autant théoriques que méthodologiques pour définir le concept d’«  information » en sémiotique.

Le processus d’apprentissage, dans le cadre de l’école comme dans un cadre éducatif plus large, fait interagir au moins deux principes sémiotiques :

1. celui de la programmation, du séquençage par des tiers médiateurs en vue de la jonction entre les sujets apprenants et l’objet à acquérir (des compétences, des connaissances, des valeurs) ; 

2. celui de l’interaction entre les actants en présence et les objets visés. Deux modes perceptifs, au moins, sont alors convoqués :

    – Une perception de l’apprentissage par objectivation. Elle consiste à fixer des critères d’évaluation, de progression, à travailler la capacité d’observation, de catégorisation des objets, de leur mémorisation (Tricot, Amadieu 2014). Cela, en vue d’une appropriation de ces derniers par le sujet apprenant. Chaque acteur convoqué joue en l’occurrence un rôle actantiel pré-déterminé (le sujet apprenant, l’objet à s’approprier, le tiers médiateur/adjuvant, etc.).

    – Une perception de l’apprentissage par ajustement sensible entre les actants en présence, selon les mots d’Eric Landowski. Cette dernière consiste à éprouver les autres, à s’éprouver avec les autres, en situation, dans le devenir ouvert des corps en présence, c’est-à-dire en deçà et au-delà de toute programmation (Landowski, 2004 : 16). Ce mode perceptif invite le sujet d’apprentissage à percevoir l’objet à apprendre comme un véritable partenaire. Il s’agit alors non pas tant de s’approprier ce dernier que de s’accorder à lui dans une dynamique réciproque, sur divers modes sensibles, le sentiment d’étrangeté, de familiarité, d’adhésion, le sentiment qu’il reste insaisissable, ou encore que l’on sort grandit de sa rencontre.

Ainsi, apprendre relèverait tout autant d’un procès motivé d’intentions plus ou moins convergentes ou divergentes – celles d’une institution, des sujets apprenants, des parents – et qui se déroule au sein d’un système éducatif ad hoc à partir d’un programme plus ou moins formel, informel que d’une expérience globalisante faite d’interactions, de dynamiques où s’éprouvent des intentionnalités diverses dans l’enthousiasme, le rejet, l’adhésion, etc. Ce faisant, la communication en jeu dans l’apprentissage, à savoir l’être ensemble, relèverait à la fois d’une visée pratique, utilitaire, sur le mode de la programmation, à la fois d’une visée sensible, impressive, sur le mode de l’ajustement. Cette proposition amène à reconsidérer les rapports entre communication et transmission. Alors que d’ordinaire on oppose ces deux notions, celle-ci étant considérée principalement en tant que passage d’une génération à l’autre, héritage relevant du temps long et intergénérationnel, celle-là relevant de l’espace, d’un être-là, d’un être ensemble via des dispositifs médiatiques plus ou moins complexes (Bertrand 2015, Darrault, 2015, Fontanille, 2015), ne peut-on pas plutôt envisager la communication, qui comprend, dit Greimas « toute action de l’homme sur les autres hommes », toute action « créatrice des relations intersubjectives, fondatrices de la société » (Greimas et Courtès, 1993 : 46) comme l’expérience de temporalités diverses et entrelacées, chronologiques, institutionnelles, narratives, mais aussi esthésiques, c’est-à-dire faites de modulations plastiques, rythmiques dans l’être ensemble des acteurs mobilisés par tel ou tel dispositif d’apprentissage ? En quoi ces tissus temporels en jeu dans l’être ensemble de la classe, de l’école, et de tout dispositif éducatif modèlent-ils, modulent-ils ce qui se transmet au fil du temps ? La transmission peut alors être questionnée non pas tant comme objet de connaissance, compétence, transmis entre pairs ou de professeur à élève, d’adulte à enfant (Gauchet, 2014) que comme sens des interactions éprouvées in vivo, dirait Eric Landowski. Ce sens émergeant à partir des interactions, de la communication, sens que nous proposons d’appréhender comme orientation – tendre vers, se détourner de, rejeter, adhérer, etc. – n’est-il pas ce qui se transmet avant tout objet, à l’insu parfois des partenaires en interaction, contre toute programmation, en deçà ou au-delà ? Ce sens communicationnel qui s’éprouve entre les partenaires, dans le cadre de l’apprentissage ou de l’éducation, n’est-il pas la condition sine qua non de toute possibilité de transmission d’objets ? Comme le propose Eleni Mitropoulou (2015) dans un tout autre domaine, on pourrait faire alors l’hypothèse que la communication est la condition de la transmissibilité de tel ou tel objet (2015). Pour aller plus avant, cette session propose de croiser plusieurs regards de sémioticiens tels Denis Bertrand, Ivan Darrault-Harris, Eric Landowski, avec des approches issues de disciplines diverses. Ainsi, en mobilisant les sciences cognitives et la philosophie, on se demandera, avec Roberto Casati, quelles facultés mobilise l’acte d’apprendre. Dans une approche sociologique, Pascal Plantard questionnera la notion d’inégalités éducatives. Bibliographie restreinte Ouvrages : Gauchet Marcel, Blais, Marie-Claude, Ottavi Dominique, (2014), Transmettre, apprendre, Stock, Paris. Greimas, Algirdas, J. et Courtès, Joseph (1993), Dictionnaire raisonné de la théorie et du langage. Hachette, Paris. Landowski Eric, Passions sans nom, (2004), PUF, Paris. Tricot André, Amadieu Franck, Apprendre avec le numérique, mythes et réalités, (2014), Retz, Paris Séminaires : Bertrand Denis (2015), Conclusion du Séminaire sémiotique de Paris, 3 juin 2015. Darrault Ivan (2015), Conclusion du Séminaire sémiotique de Paris, 3 juin 2015. Fontanille Jacques (2014), « Sémio-anthropologie de la transmission », in Séminaire sémiotique de Paris, 5 novembre 2014. Miropoulou, Eleni (2015), « Quelques propositions sémiotiques pour la transmission à long terme », in Séminaire sémiotique de Paris, 6 mai 2015.