UNE TRANSITION – LES GRANDS NAVIGATEURS.

A la fin du XVe siècle, plusieurs facteurs vont être déterminants pour le début de ce qu’on appellera les Grandes découvertes. Tout d’abord, l’apparition de l’imprimerie et des gravures sur bois et sur cuivre en 1452 entraîne une reproduction et une diffusion plus large des cartes et permet donc de toucher un public moins restreint. Ensuite, la prise de Constantinople en 1453 assure la redécouverte des travaux de Ptolémée et des systèmes de projection géographique. Ceux-ci permettent alors de dresser des représentations plus exactes du monde.

Cependant la part d’inconnu est encore mal évaluée. Ainsi le globe terrestre de Martin Behaim ou globe Erdapfel (réalisé entre 1490 et 1492) n’indique, évidemment, ni Amériques ni océan Pacifique. Par contre l’océan Atlantique se retrouve très amoindri, « coincé » entre l’Europe et la Chine et parsemé d’îles (dont certaines imaginaires).

Christophe Colomb fondera en partie son argumentaire sur ce globe pour justifier son voyage à l’ouest.

Les découvertes du XVIe siècle bouleversent profondément cette vision du monde, tout d’abord avec la découverte de l’Amérique et les voyages de Colomb et de Vasco de Gama, mais aussi avec la découverte de l’océan Pacifique par Magellan en 1521. Le voyage de ce dernier, la première circumnavigation, prouva également que la terre était ronde.

Représentation du globe Erdapfel, par MartinBehaim1492.jpg: Encyclopedia Larousse illustree - 1898 derivative work: PawełMM (d) (MartinBehaim1492.jpg) [Public domain ou Public domain], via Wikimedia Commons
Reproduction du globe de Behaim, Nuremberg, 1847, BNF, GE A- 276 (RES), © Bibliothèque nationale de France
Magellan fait le tour du monde par l'océan, Atlas nautique, Battista Agnese, Venise, 1543., Manuscrit enluminé sur parchemin, 34 x 24 cm, BnF, Cartes et Plans, Rés. Ge FF 14410, fo 12, © Bibliothèque nationale de France
UNE TRANSITION – LES GRANDS NAVIGATEURS.

VERS LA PRECISION CARTOGRAPHIQUE : L’ASTRONOMIE ET LES MATHEMATIQUES

Avec l’acquisition de la technique de système de projection et les découvertes de l’Amérique et du Pacifique, les représentations de la Terre commencent à être conformes et proportionnelles. Mais ces techniques dépendent beaucoup des avancées en astronomie pour fixer mathématiquement les points de repère.

Les thèses de Copernic et de Galilée (au XVIe et au XVIIe siècle) sont donc essentielles. Cependant, plaçant le soleil au centre du système solaire et non plus la terre, elles sont difficilement acceptées. Cela s’oppose en effet à la vision de la terre par l’Eglise et à ses représentations comme les cartes en TO.

Néanmoins, les avancées de l’astronomie et des mathématiques permettent également le développement d’outils de mesure plus précis (les lunettes astronomiques, le chronomètre et le baromètre). Ainsi, les angles, les latitudes et longitudes, mais également l’altitude sont évalués avec précision.

Le système de Copernic Harmonia macrocosmica Atlas céleste de l'astronome Andreas Cellarius, astronome, Schenk et Valk éditeurs, 1705. BnF, Estampes et photographie, XH-30-FOL, planche 5 © Bibliothèque nationale de France
VERS LA PRECISION CARTOGRAPHIQUE : L’ASTRONOMIE ET LES MATHEMATIQUES

L’ESSOR CARTOGRAPHIQUE

A partir du milieu du XVIe siècle, la production cartographique va donc s’intensifier. Une première carte de France est réalisée en 1553 par Oronce Fine. C’est également l’occasion pour le pouvoir en place de fixer ses frontières, d’aménager son territoire…

Nova totius Galliae descriptie. Orontius F. Delphinas faciobat 1553, Oronce Fine, BNF, GE D- 21656, © Bibliothèque nationale de France
Plan du tènement de Maradene (Martel en Quercy), par l’arpenteur Faure, XVIIIe siècle, ADHV D 588, © Archives départementales de Haute-Vienne

Par ailleurs, depuis 1511, la fonction d’arpenteur existe en France. En 1554, le roi impose la présence d’au moins 6 arpenteurs par baillage et sénéchaussée et ce nombre ne cessera de s’accroître. Considérés comme « juges référendaires et crus sur leur rapport » par Henri IV en 1597, ils vont jouer un rôle de plus en plus important dans les contestations de biens fonciers. Produisant des plans d’arpentage ou plans terriers et des procès-verbaux d’arpentement, ils fournissent aux propriétaires des pièces justificatives que ceux-ci ajoutent à leurs « dossiers » (cartulaires, censives ou terriers). Alors qu’auparavant l’extension d’une parcelle était décrite textuellement par la mention de ses confronts, la carte vient dorénavant appuyer le texte.

Le temps comme mesure de la carte.

Ces premiers plans sont également représentatifs d’une période de transition. En effet, certains d’entre eux portent des légendes en périodes de temps (par exemple des « jours » ou des « hommées ») et non en mesures de longueur ou de surface. Ce qui compte alors n’est pas l’espace en tant que tel, comme nous l’appréhendons aujourd’hui, mais le temps que l’on met à le parcourir (tant de jours de marche d’un point à un autre) ou à le travailler (une hommée étant la surface que peut travailler un homme en un jour).

Parallèlement vont aussi se répandre les première représentions de villes. Ainsi, en 1544, Sebastian Münster a fait publier une Cosmographia Universalis à Bâle, puis en 1572 Frans Hogenberg publie à Cologne un atlas des villes du monde : le Civitates Orbis Terrarum. Ce dernier réunit des plans ou des vues à vol d’oiseau de villes qui seront souvent reprises par la suite dans l’œuvre de Merian père et fils. La production par gravure de cuivre en assurait une reproduction facile et rapide, répondant à la demande d’un public qui découvre et se passionne pour la géographie.

Limoges dans l’œuvre de Merian au XVIIe siècle. ADHV 19 Fi 18, © Archives départementales de Haute-Vienne
Plan de Metz par M. Merian vers 1638, BNF GE D- 685, © Bibliothèque nationale de France

Cet engouement permet le développement des atlas. C’est au Pays-Bas que des dynasties d’éditeurs de cartes apparaissent essentiellement. On peut citer les familles Hondius, Jansson et Blaeu. Par exemple, cette dernière publiera des ouvrages depuis 1570 (le Theatrum Orbis Terrarum d'Abraham Ortelius) jusqu’en 1672.

La concentration d’éditeurs au Pays-Bas est peut-être liée à la création en 1602 de la compagnie des Indes. En effet, celle-ci se dote d’un département de cartographie et aura notamment recours à la projection de Mercator (1512-1594). Encore utilisée actuellement, elle permet aux marins de la compagnie d’indiquer sur les cartes une route de navigation droite malgré la rotondité de la Terre.

Atlantis pars Altera. Geographia nova totius mundi Atlas Gérard Mercator, 1595. BnF, Cartes et Plans, GE DD 1021, planche 5 © Bibliothèque nationale de France
Cartes du Limousin et de la Limagne publiées chez Willem Janse Blaeu en 1629, ADHV, 1 Fi 205, © Archives départementales de Haute-Vienne

La carte : entre objet utilitaire et objet d’art.

Si la carte a une fonction pratique, l’engouement qu’elle suscite auprès du public incite les éditeurs à en faire également un objet esthétique. Les cartouches et les cadres deviennent ainsi des lieux d’enluminures où l’artiste peut s’exprimer, allant parfois même jusqu’à représenter de petites scénettes. La plaque de cuivre d’une carte peut ainsi passer d’une maison d’édition à l’autre sans que la carte elle-même soit fondamentalement modifiée (exception faite de la langue) alors que le « décor » peut subir des changements radicaux suivant le style en vogue. Parallèlement, la multiplication cartographique entraîne la mise en place de conventions de représentation. Les mêmes chartes graphiques sont ainsi réemployées d’une carte à l’autre ou d’un auteur à l’autre, des symboles de taille proportionnelle à l’importance de l’élément représenté apparaissent, des traités sont publiés sur la manière de dessiner une carte… Sont ainsi créés des fonds de carte relativement homogènes dans leur conception. La carte est alors prête à devenir le support de réflexions sur l’aménagement du territoire.

L’ESSOR CARTOGRAPHIQUE