Relation sol-végétation sur le site gallo-romain des arènes de Tintignac (commune de Naves, Corrèze) Soil-vegetation relationship on the site of ths Arènes de Tintignac (commune of Naves, Corrèze)

James JAVELLAUD 

https://doi.org/10.25965/asl.177

Le site des arènes de Tintignac (commune de Naves, Corrèze) montre un site archéologique remarquable où se sont succédées une occupation gauloise, puis gallo-romaine. L'analyse phytoécologique de la végétation actuelle montre une biodiversité élevée. La composition floristique est dominée par des espèces neutrocalcicoles, calciclines, neutrophiles, neutroclines, neutronitroclines et neutronitrophiles. Des analyses pédologiques montrent que cette végétation originale est corrélée avec des propriétés édaphiques particulières, à savoir des sols peu acides, riches en bases et en azote, que l'on ne retrouve pas dans une station témoin située à l'extérieur du site.

The site of the Arènes de Tintignac (commune of Naves, Corrèze) shows a remarkable archeological site where followed one another a Gallic occupation then Gallo-Roman. The phytoecological analysis of the current vegetation shows high biodiversity. The floristic composition is dominated by neutrocalcicole, calcicline, neutrophile, neutrocline, neutronitrocline and neutronitrophile species. Pedological analyses show that this original vegetation is correlated with particular edaphic properties, i.e. not very acid soils, rich in bases and nitrogen, which are not found in a control station located outside the site.

Sommaire
Texte intégral

Introduction

Depuis une vingtaine d'années, de nombreuses études botaniques ont montré qu'une végétation naturelle originale se développait sur de nombreux sites archéologiques. Les modifications des propriétés chimiques et physiques du substratum permettent le maintien de ces espèces qui, pour certaines d'entre elles comme le buis, ont été parfois introduites volontairement par l'homme (Ghestem, 2006).

Le site de Tintignac sur la commune de Naves (Corrèze), d'une superficie estimée de 25 ha, a été fouillé une première fois au XIXème siècle. Quatre grands édifices avaient alors été dégagés : un premier bâtiment qui s'avère être un temple, un autre édifice considéré au XIXème comme un "tribunal", un troisième bâtiment de forme semi-circulaire et un autre édifice considéré comme un théâtre (Chastagnol, 1997). La nouvelle campagne de fouilles menées depuis 2001 a montré toute la richesse du site. Ainsi l'occupation du sol a montré que l'occupation gallo-romaine a succédé à une présence gauloise (Maniquet, 2005).

Une étude botanique et pédologique a été effectuée dans la partie non fouillée du site afin de compléter les études botaniques déjà menées sur les sites archéologiques du Limousin et de préciser les relations entre la végétation et les propriétés du substrat.

Présentation du secteur d'étude

Le site des arènes fait géographiquement parti du bas Limousin. Il est établi sur un plateau, zone de partage des eaux entre la bassin de la Vimbelle à l'est et le ruisseau de la Vigne au sud-ouest. L'altitude moyenne se situe entre 480 et 465 m environ dans la partie la plus basse du site (figure 1).

Figure n° 1 : Situation géographique des Arènes de Tintignac, commune de Naves, Corrèze (d’après la carte IGN au 1/25000ème Tulle)

Figure n° 1 : Situation géographique des Arènes de Tintignac, commune de Naves, Corrèze (d’après la carte IGN au 1/25000ème Tulle)

Le sous-sol est constitué de roches métamorphiques, essentiellement des gneiss plagioclasiques à deux micas ou à biotite seule ainsi que des éclogites plus ou moins amphibolitisées. Ces filons de roches plus basiques se retrouvent plutôt sur les sommets qui encadrent le site des arènes : Peuch Redon à l'est et Puy de l'Aiguille à l'ouest.

Les sols du secteur sont de type sol brun plus ou moins acides selon la nature de la roche mère. Ils sont généralement pauvres en bases (Ca, Mg). Les sols installés sur des roches basiques sont moins acides et le complexe adsorbant plus riche en calcium échangeable.

Les données climatiques proviennent de la station de Tulle qui est située à une altitude plus faible (240 m) que la zone étudiée. Les précipitations sont relativement élevées, 1214 mm et l'on a une température moyenne de 11,2°. Sur le site des arènes, installé sur un plateau à une altitude beaucoup plus élevée, la température moyenne doit être plus faible et les précipitations probablement encore plus élevées. A Seilhac (500 m d'altitude), situé à 5-6 km des arènes, la pluviométrie est de 1324 mm mais il n'existe pas de données thermiques pour cette localité. Le site des arènes fait partie de l'Unité climatique du centre et du Nord-Ouest de la Corrèze, défini par Vilks (1991).

La plus grande partie du site des arènes est occupée par des prairies régulièrement fauchées dans la partie supérieure, là où les structures sont le plus visibles et pâturées en contrebas. La végétation inventoriée est essentiellement constituée par des bosquets de taille variable et des haies installées sur des talus avec des restes de murs plus ou moins visibles. Au niveau des zones récemment fouillées, la végétation naturelle est absente et remplacée par des espèces pionnières de terrains stériles et fortement perturbés. Les structures qui ont été mises à jour, sont maintenant recouvertes pour assurer leur protection.

Matériel et méthodes

Etude de la végétation

Les relevés de végétation ont été effectués dans différentes stations en procédant à l'inventaire complet des espèces sans tenir compte de leur abondance-dominance. Dans le tableau de synthèse, les espèces ont été classées par affinités écologiques selon la Flore Forestière Française (Rameau et al., 1989).

Analyses pédologiques

Des prélèvements de sol ont été effectués dans quatre stations du site des arènes. Les analyses ont été effectuées dans l'horizon humifère A. Le pourcentage de terre fine (< 2 mm) a été mesuré après destruction de la matière organique. Les analyses ont été effectuées sur la fraction de terre fine (Javellaud, 1986). Le pH à l'eau a été mesuré. Le carbone organique a été dosé au carmograph, l'azote après minéralisation par la méthode Kjeldahl. Le rapport C/N a été calculé. Le complexe adsorbant du sol a été évalué : dosage des cations échangeables (Ca, Mg, K) par absorption atomique après percolation par une solution d'acétate d'ammonium. La CEC (capacité d'échange cationique) a été mesurée par spectrocolorimétrie, et le taux de saturation a été calculé. Le phosphore assimilable a été dosé par spectrocolorimétrie selon la méthode Joret Hébert.

Un prélèvement hors site a été effectué dans un bois à proximité afin de servir de station de référence au niveau du sol.

Etude botanique

Localisation spatiale des relevés et type de végétation associé (figure 2)

En dehors de la végétation prairiale qui n'a pas été étudiée car trop fortement modifiée par l'activité humaine actuelle, la végétation naturelle du site se présente sous différents faciès :

  • des bosquets de petite taille comprenant des espèces herbacées, arbustives et des arbres dont la hauteur peut atteindre 20 m (relevés n° 1, 2).

  • un bosquet de taille importante qui peut être assimilé à un bois, car sa taille plus importante fait disparaître l'effet de lisière et favorise une végétation sciaphile (relevé n° 3).

  • des haies élevées de plus de 2 m de hauteur, plutôt situées en contrebas des ruines visibles (relevés n° 7, 8, 9, 10).

  • des haies basses arbustives (<2 m) (relevé n° 5) et une haie herbacée située sur un talus en mi-pente (relevé n° 6).

  • des formations installées sur des murs visibles, notamment au niveau du mur inférieur du théâtre (relevés n° 4, 4 bis).

  • un lambeau de prairie non fauchée située en contrebas du théâtre qui a évolué vers une lande à fougère ce qui indique une évolution spontanée vers une formation boisée.

Figure 2 : Localisation des relevés de végétation (✩) et des relevés de végétation plus prélèvement de sol (✭) sur le site des arènes de Tintignac ; T : station témoin.

Figure 2 : Localisation des relevés de végétation (✩) et des relevés de végétation plus prélèvement de sol (✭) sur le site des arènes de Tintignac ; T : station témoin.

Analyse de la flore du site des arènes de Tintignac (tableau n° 1)

La flore du site des arènes montre une biodiversité remarquable : le nombre total d'espèces vasculaires atteint 110. Le nombre moyen d'espèces par relevé de végétation est de 31 avec un maximum de 46 dans un bosquet et un minimum de 18 dans une haie. Cette diversité floristique est supérieure à celle observée dans d'autres sites du Limousin (Ghestem, 2006) où elle atteignait 83 sur la villa gallo-romaine du Boin (commune de Saint-Eloy-les-Tuileries).

Tableau 1 : La végétation du site des arènes de Ti nitgnac.

Station

3

1

2

6

5

7

9

10

11

8

6bis

4

4bis

 

T

Type de formation

B

Bs

Bs

H

Hb

Hb

Hb

Hb

Hb

Hb

Hb

Hm

Hm

classe de

B

Nombre d'espèces

42

46

38

40

25

25

40

25

32

18

21

22

31

présence

10

Neutrocalcicoles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tamus communis

+

+

+

+

+

+

+

+

+

+

+

+

V

 

Rosa gr canina

 

+

+

+

+

+

+

+

+

+

+

IV

 

Agrimonia eupatoria

 

+

+

+

+

 

II

 

Turritis glabra

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

+

I

 

Calciclines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cornus sanguinea

+

+

+

+

+

+

+

+

+

+

IV

 

Euonymus europaeus

+

+

+

+

+

 

II

 

Clematis vitalba

 

+

+

 

 

 

 

 

 

 

 

 

+

II

 

Station

3

1

2

6

5

7

9

10

11

8

6bis

4

4bis

 

T

Type de formation

B

Bs

Bs

H

Hb

Hb

Hb

Hb

Hb

Hb

Hb

Hm

Hm

classe de

B

Nombre d'espèces

42

46

38

40

25

25

40

25

32

18

21

22

31

présence

10

Neutrophiles et neutroclines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Prunus spinosa

+

+

+

+

+

+

+

+

 

IV

 

Crateagus monogyna

+

+

+

+

+

+

+

+

 

IV

 

Carpinus betulus

+

+

+

+

+

+

+

 

III

+

Juglans regia pl

+

+

+

+

+

+

+

 

III

 

Hedera helix

 

+

+

+

+

+

+

 

III

+

Prunus avium

+

+

+

+

+

+

 

III

 

Euphrobia amygdaloides

+

+

+

+

+

+

 

III

Stellaria holostea

+

+

+

+

+

 

II

 

Potentilla sterilis

+

+

+

+

+

II

 

Rubus gr discolor

 

+

+

+

+

+

II

 

Dryopteris filix-mas

+

+

+

+

 

II

 

Coryllus avellana

+

+

+

+

 

II

+

Campanula patula

 

+

+

+

+

II

 

Fragaria vesca

 

+

+

+

+

 

II

 

Dactylis glomerata

 

+

+

+

+

 

II

 

Arrhenaterum elatius

 

+

+

+

 

II

 

Hypericum perforatum

 

+

+

+

II

 

Pulmonaria affinis

+

+

+

 

II

 

Prunella vulgaris

 

+

+

 

I

 

Carex muricata

+

+

 

I

 

Epipactis helleborine

 

+

+

 

I

 

Lactuca serriola

 

+

+

I

 

Phleum pratense

 

+

 

I

 

Silene vulgaris

 

+

I

 

Poa nemoralis

+

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

Neutronitroclines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Geranium robertianum

+

+

+

+

+

+

+

III

 

Arum maculatum

+

+

+

+

+

+

+

+

III

 

Geum urbanum

+

+

+

+

+

+

+

III

 

Vicia sepium

 

+

+

+

+

+

+

+

III

 

Brachypodium pinnatum

 

+

+

+

+

+

+

III

 

Heracleum spondylium

+

+

+

+

+

II

 

Solanum dulcamara

 

+

+

+

+

+

II

 

Gallium mollugo

 

+

+

+

+

II

 

Geranium columbinum

 

+

+

+

+

II

 

Verbascum sp.

 

+

+

+

II

 

Silene latifolia

 

+

+

+

II

 

Lathyrus pratensis

 

+

+

+

II

 

Fraxinus excelsior

+

+

+

II

 

Convolvulus arvensis

 

+

+

+

II

 

Sedum telephium

 

+

+

I

 

Oxalis gr. fontana

 

+

+

I

 

Gallium cruciata

 

+

+

I

 

Eupatorium cannabinum

 

+

+

I

 

Myosotis sylvatica

+

+

I

 

Ajuga reptans

 

+

+

I

 

Veronica chamaedrys

+

+

I

 

Sambucus ebulus

 

+

I

 

Malva moschata

 

+

I

 

Cerastium fontanum

 

+

I

 

Achillea millefolium

 

+

I

 

Primula elatior

 

+

I

 

Cirsium vulgare

 

+

I

 

Cirsium arvense

 

+

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

B : bois ; Bs : bosquet ; H : haie arbustive basse ; Hb : haie arbustive haute, Hm : haie sur mur visible

Station

3

1

2

6

5

7

9

10

11

8

6bis

4

4bis

 

T

Neutronitrophiles

IV

 

Urtica dioica

+

+

+

+

+

+

+

+

+

IV

 

Sambucus nigra

+

+

+

+

+

+

+

+

IV

 

Bryonia cretica

+

+

+

+

+

+

+

III

 

Glechoma hederacea

+

+

+

+

+

+

III

 

Anthriscus sylvestris

+

+

+

+

II

 

Alliaria petiolata

+

+

+

+

II

 

Rumex acetosa

+

+

+

+

II

 

Erigeron canadensis

+

+

+

+

II

 

Gallium aparine

+

+

+

+

II

 

Rumex obtusifolius

+

+

+

II

 

Daucus carotta

+

+

+

II

 

Stachys sylvatica

+

+

+

II

 

Prunella vulgaris

+

+

I

 

Polygonum persicaria

+

+

I

 

Arctium minus

+

I

 

Cucubalus baccifer

+

I

 

Phytolacca americana

+

I

 

Mésohygrophiles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ranunculus repens

 

+

+

+

+

+

 

II

 

Salix atrocinerea

 

+

+

+

+

 

II

 

Calystegia sepium

 

+

+

 

I

 

Mentha suaveolens

 

+

+

 

I

 

Holcus lanatus

 

 

 

+

 

 

 

 

 

+

 

 

 

I

 

Large amplitude

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quercus pedunculata

+

+

+

+

+

+

 

III

+

Ilex aquifolium

+

+

+

+

+

 

II

 

Fagus sylvatica

 

 

 

+

Trifolium dubium

 

+

I

 

Bromus sterilis

 

+

 

I

 

Spergularia segetalis

 

+

I

 

Vicia hirsuta

 

 

+

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

Acidiclines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pulmonaria longifolia

+

+

+

+

+

+

+

+

III

 

Rubus sp

+

+

+

+

+

+

+

+

III

+

Galeopsis tetrahit

+

+

+

+

+

+

+

 

III

 

Lonicera periclymenum

+

+

+

+

+

+

 

III

+

Epilobium montanum

+

+

+

+

+

II

 

Scrofularia nodosa

+

+

+

+

 

II

 

Lapsana communis

 

+

+

+

+

 

II

 

Circea lutetiana

+

+

 

I

 

Moerhingia trinervia

+

 

I

 

Melittis melissophyllum

 

+

I

 

Tilia cordata

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

+

Acidiphiles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Castanea sativa

+

+

+

+

+

+

 

III

+

Viola riviniana

+

+

+

+

+

 

II

 

Pteridium aquilinum

+

+

+

+

+

II

+

Teucrium scorodonia

+

+

+

 

II

 

Holcus mollis

 

+

+

 

I

 

Sorbus aucuparia

+

 

I

 

Agrostis capillaris

 

+

 

I

 

Centaurea gr nigra

 

+

 

I

 

Medicago lupulina

 

+

 

I

 

Chrysanthemum leucanthemum

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

+

 

I

 

Dans le tableau, on peut constater que certaines espèces neutrocalcicoles comme Tamus communis, Rosa gr canina, ou des calciclines comme Cornus sanguinea ont une classe de présence élevée. Le groupe des neutrophiles et neutroclines (Prunus spinosa, Crataegus monogyna, Carpinus betulus, Hedera Helix,…) comprend 23 espèces. Les neutronitroclines comme Geranium robertianum, Arum maculatum, Geum urbanum et les neutronitrophiles comme Urtica dioïca, Sambucus nigra, Bryonia dioïca, caractéristiques de sols peu acides riches en azote et indiquant ainsi la rudéralisation du site, sont particulièrement bien représentées : 25,5 % et 15,5 % du total des espèces. On notera le faible pourcentage des espèces acidiphiles (9,1 %) (figure 3).

Figure 3 : Histogramme de fréquence des groupes écologiques.

Figure 3 : Histogramme de fréquence des groupes écologiques.

Quelques espèces peu fréquentes en Limousin se rencontrent sur le site des arènes comme Cucubalus baccifer qui est une espèce protégée dans la région (figure 4a). D'autres espèces qui n'ont pas encore été signalées dans le secteur comme Turritis glabra (figure 4b) ou Spergularia segetalis se sont installées sur des murs en partie débroussaillés. Dans un lambeau de prairie non fauchée située en contact avec les murs du théâtre, le sureau yèble Sambucus ebulus (figure 4c), espèce neutronitrocline, s'est installé en mélange avec une espèce acidiphile, la fougère aigle (Pteridium aquilinum). Ce type de formation végétale est en évolution dynamique vers un couvert forestier.

Nous avons comparé l'inventaire botanique du site de Tintignac avec la liste d'espèces potentiellement indicatrices de sites archéologiques gallo-romains ou médiévaux proposée par Ghestem (2006). Nous retrouvons bien évidemment les mêmes espèces caractéristiques des sites archéologiques à l'exception du buis (Buxus sempervirens) et de l'érable champêtre (Acer campestre). Ces deux espèces sont pourtant présentes dans un très grand nombre de sites archéologiques en Limousin. En effet, le buis qui a été signalé dans 94 % des sites d'époque gallo-romaine, n'a pas été retrouvé à Tintignac. Cependant, Geoffroy de Vigeois le signalait dans sa chronique écrite au 12ème siècle : "Buxei generis arbusta olim locus retinet multa" (cité par M. Counil, 1996). Quand il écrit sa chronique, il y a donc du buis ou le souvenir encore récent d'une grande quantité de buis sur le site des arènes. Il semble donc que les mises en culture ont réussi à faire disparaître le buis du site de Tintignac depuis cette époque. On se trouve ici dans une exception en Limousin entre un site d'époque gallo-romaine et l'absence de buis. Autre espèce absente, l'érable champêtre qui est signalé dans 76 % des sites d'époque gallo-romaine par Ghestem (2006). Cette absence est aussi remarquable car cette espèce est présente assez couramment en Corrèze à proximité des arènes de Tintignac (figure 4d).

La végétation de la station témoin est constituée par une chénaie-hêtraie à charme. On notera la présence de tilleul et de noisetier dans la strate arbustive. La flore herbacée est peu diversifiée : Hedera helix, Lonicera periclymenum, Rubus sp., Pteridium aquilinum (tableau 1).

Analyses pédologiques

L'observation du profil pédologique montre que le sol de la station témoin est de type sol brun avec trois horizons A, B et C. La couche de litière est épaisse en relation avec la végétation arborescente (Fagus sylvatica). Les sols de la station 1 et 3 montrent aussi un profil de type sol brun. Dans la station 3 on observe la présence importante de matériaux de constructions : moellons et reste de tuiles. Les prélèvements dans les stations 2 et 4 ne montrent pas de profil pédologique différencié car il sont installés à la base de murs visibles (station 4) ou dans la forte pente d'un talus (station 2) ; le substratum est constitué essentiellement de matériaux d’accumulation et d'effondrement des structures.

Tableau 2 – Analyses pédologiques sur le site des arènes de Tintignac.

Numéro des stations

1

2

3

4

 

Témoin

Paramètres pédochimiques

Bs

Bs

B

Hm

 

B

Terre fine < 2 mm ( %)

76,6

76,0

77,4

73,1

85,0

pH eau

6,1

6,1

5,8

8,1

5,6

C/N

14,1

10,1

11,6

10,9

15,5

Ca++ (p.p.m.)

1558

2492

2347

14151

885

Mg++ (p.p.m.)

641

259

522

312

282

K+ (p.p.m.)

834

466

504

699

208

CEC (meq)

20,6

19,0

22,2

32,2

20,5

Taux de saturation %

51,1

58,8

54,2

166,4

24,4

P2O5 (p.p.m.)

45

23

57

130

 

42

Bs : bosquet ; B : bois ; Hm : haie sur mur visible

Les résultats des analyses pédologiques sont reportés dans le tableau 2 :

  • la proportion de terre fine (< 2 mm) est plus importante dans la station témoin 85 % par rapport aux stations du site dont la moyenne est de 75 %. On observe ainsi une quantité d'éléments grossiers (graviers, cailloux) plus élevée dans le sol du site des arènes.

  • dans les stations du site, le pH à l'eau est plus élevé que dans la station témoin (environ 0,5 unité pH) et atteint une valeur record dans le prélèvement au pied du mur (8,1). L'acidité du sol est donc moindre dans le site archéologique.

  • le rapport C/N est plus élevé dans la station témoin (15,5) ce qui indique une vitesse de minéralisation plus faible avec un humus de type mull-moder, alors que l'on observe un humus de type mull dans le site avec trois C/N proches de 10.

  • les taux de bases échangeables sont toujours plus élevés dans les prélèvements du site que dans la station témoin (avec un record pour la station sur le mur du théâtre) ; le taux de calcium (14151 p.p.m.) y est seize fois plus élevé que dans le prélèvement témoin (885 p.p.m.). Ceci est dû à l'utilisation d'un mortier à base de chaux et à l'érosion du mur provoqué par sa mise à nu (débroussaillage), ce qui provoque la libération du calcium dans le sol.

  • avec des valeurs de capacités d'échange cationiques (CEC) assez proches, de 19,0 meq pour la station 2 à 32,2 meq pour la station 4, on remarque un taux de saturation beaucoup plus élevé dans les stations du site gallo-romain : de 51,1 % pour la station 1 à 166,4 % pour la station 4 en relation avec les teneurs très élevées en calcium mesurées dans ce prélèvement. Dans la station témoin, la CEC (20,5 meq) est comparable aux valeurs mesurées dans des stations du site, tandis que le taux de saturation y est beaucoup plus faible 24,4 %.

  • les mesures de phosphore ne montrent pas de différence significative à l'exception du prélèvement 4 qui est très riche en phosphore assimilable.

Conclusion

L'étude de la végétation du site archéologique gallo-romain des arènes de Tintignac montre une flore originale. La biodiversité y est très élevée avec 110 espèces inventoriées. La composition floristique est caractérisée par l'abondance des espèces calciclines, neutrocalcicoles, neutrophiles-neutroclines, neutronitrophiles et neutronitroclines. Par contre, on note une faible proportion d'espèces acidiphiles. Les analyses pédologiques montrent que le substratum est caractérisé principalement par une bonne minéralisation de la matière organique, une faible acidité, et une teneur élevée en bases échangeables, en particulier le calcium. Ces résultats montrent une forte corrélation entre la végétation originale du site des arènes et les propriétés édaphiques du substratum. Ces résultats confortent ceux trouvés dans d'autres secteurs du Limousin ; les sites archéologiques d'époque gallo-romaine sont favorables à l'installation d'espèces affectionnant des substrats peu acides, riches en azote et en bases échangeables (Ghestem 2006). Cependant deux espèces fortement indicatrices de sites archéologiques en Limousin (Buxus sempervirens, Acer campestre), sont, pour des raisons inconnues, absentes du site des arènes de Tintignac. Toutefois, avec sa biodiversité floristique élevée et la présence d'espèces rares ou protégées en Limousin comme Cucubalus baccifer, le site de Tintignac présente un intérêt botanique en plus de sa richesse archéologique.

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Référence papier

JAVELLAUD, J. (2007). Relation sol-végétation sur le site gallo-romain des arènes de Tintignac (commune de Naves, Corrèze). Annales Scientifiques du Limousin, (18), 22-34.

Référence électronique

JAVELLAUD, J. (2007). Relation sol-végétation sur le site gallo-romain des arènes de Tintignac (commune de Naves, Corrèze). Annales Scientifiques du Limousin, (18). https://doi.org/10.25965/asl.177

Auteur
James JAVELLAUD
Laboratoire de Pharmacologie, Faculté de Pharmacie - 2, rue du Dr Marcland – 87025 Limoges Cedex
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